Le problème du juste prix a beaucoup occupé les théologiens, les philosophes puis les économistes pendant des siècles.
Les prix sont-ils justes ?
Apparemment non..
Dix grammes d’or valent plus qu’un litre d’eau.. alors que manifestement, pour vivre un être humain a davantage besoin d’eau que d’or. C’est absurde.
Une heure de travail pénible en plein soleil est payée parfois moins qu’une heure de travail dans la fraîcheur d’un bureau. Alors que manifestement le travail en plein soleil devrait être mieux payé que le travail à l’ombre.
C’est injuste.
Un système absurde et injuste mérite bien une petite remise à plat après des siècles et des siècles d’hésitations. Il suffit de déterminer la valeur objective des biens et de bâtir une belle organisation fixant les prix de manière scientifique et planifiée. Et pouf, pouf, les prix deviendront rationnels et justes.
Bien avant que ce tour de magie socialiste ne fasse sortir de son chapeau des files d’attente devant des magasins justes, rationnels et vides, des économistes au XIX eme siècle puis au début du XX eme ont compris que le problème de la valeur et des prix avait été mal posé.
Pour les économistes de l’Ecole Autrichienne (entre autres), la valeur d’un objet ou d’un service est subjective.
Le valeur ne dépend donc pas d’une caractéristique intrinsèque de l’objet ou du service ni de la peine nécessaire pour produire cet objet, mais du regard que chaque personne porte sur cet objet ou service.
Le vendeur estime ‘sa’ valeur subjective de l’objet en fonction du temps ou des autres objets ou services auxquels il a du renoncer pour produire cet objet et de son attachement sentimental pour lui.
L’acheteur évalue ‘sa’ valeur subjective de l’objet en fonction du temps ou des autres objets auxquels il va renoncer pour se procurer cet objet ainsi que du bien être que devrait lui procurer cet objet..
Pour que l’échange se fasse, il ne faut donc pas que les valeurs subjectives de l’acheteur ou du vendeur coïncident, au contraire il faut que chacun considère que la valeur subjective qu’il gagne est supérieure à la valeur subjective qu’il perd.
Le prix est l’un des montants numéraires possibles pour que l’échange se fasse, c’est-à-dire l’un des montants numéraires qui fait que les deux personnes sur le point de faire l’échange considèrent que leur situation sera plus souhaitable après l’échange qu’avant l’échange.
Le prix n’apparaît donc qu’à l’occasion d’un échange entre deux personnes. Sans échange, pas de prix.
Robinson Crusoé ne connaît le montant numéraire d’aucun des objets qui l’entoure. Pour fixer le prix d’un objet, il faut être deux. : un acheteur et un vendeur.
Sans échange libre, pas de prix juste.
De même un match de foot est juste, quelque soit le vainqueur si l’arbitrage a été juste, pour les libéraux, un prix est juste lorsque des principes permettant l’échange ont été respecté (pas de coercition, contrats libres, Etat de Droit) quelque soit le prix fixé finalement par les personnes libres.
La confusion entre le prix et la valeur rend la vie très difficile à certains nouveaux riches ou anciens marxistes.
A défaut de valeurs propres, certains nouveaux riches considèrent qu’un objet cher a forcement beaucoup de valeur. Les malheureux sont obligés de mettre à leur murs des tableaux moches mais chers, admirer des hommes médiocres mais riches ou porter des vêtements qui grattent mais chers.
Leurs compagnons d’infortunes, les néo-marxistes sont eux aussi convaincus que les prix doivent refléter la valeur. Ils enragent devant la bêtise de ce monde où les prix n’obéissent pas à leur vision du juste.
Les néo-marxistes utilisent cette confusion pour justifier la collectivisation de certaines activités. La culture n’est pas une marchandise, donc il faut que l’État fixe des justes prix.
Si les néomarxistes n’étaient pas matérialistes comme les nouveaux riches, ils ne confondraient pas la valeur (subjective) d’une émotion ressentie lors d’une représentation réussie et le prix d’un ticket de théâtre ; montant numéraire acceptable d’une part pour les spectateurs, d’autre part pour les acteurs.
Le prix plancher, officiellement, c’est l’État qui, par la seule force de sa volonté, fixe un prix minimum juste et beau à un bien ou un service. (par exemple certains prix agricoles, les prix des livres, le salaire minimum).
C’est très beau, le paranormal au service du juste et du beau. Malheureusement depuis la pierre philosophale nous savons tous que la création de richesses par simple contact d’une pierre magique ou d’un texte de loi, c’est rare.
L’État est totalement incapable de fixer un prix minimum à une catégorie d’échanges. L’État ne fixe rien du tout. Il se contente d’interdire l’existence d’échanges de biens ou de services en dessous d’un prix donné.
Cela ne signifie absolument pas qu’il a créé ex-nihilo des nouveaux échanges à un autre prix pour remplacer ceux dont il a empêché l’existence.
Si les personnes libres allaient de toute manière faire cet échange à ce prix, l’intervention de l’Etat ne sert à rien.
Si l’une des parties ne comptait pas faire l’échange en dessous de ce prix minimum, l’Etat la force soit :
– à renoncer purement et simplement à cet échange. Pour le plus grand dommage des deux parties qui auraient fait l’échange en son absence.
– à payer ce prix, mais en prélevant des ressources sur d’autres postes de dépenses (qui ne profiteront donc pas à d’autres personnes aussi honorables que celles favorisées par le prix minimum.)
– à réaliser tout de même la transaction mais en passant par le marché noir.
Aider les plus faibles revenus est possible, le faire en fixant un salaire minimum est une absurdité économique. Absurdité dont même les étatistes ont bien conscience puisqu’ils multiplient les passe-droits (stages, emplois aidés en tout genre).
Fixer un prix plafond (sur le logement par exemple) sur une ressource rare n’abolit pas la rareté de la ressource. Quoiqu’en disent les hommes politiques, ils n’ont pas un chapeau magique d’où sortent des lapins à volonté permettant de faire baisser le prix de ces derniers.
Pour faire baisser le prix des lapins fixés entre personnes libres, il ne suffit pas de déclamer une formule magique ‘Lapin, soit moins rare !-‘ même avec le vocabulaire ronflant, technique et incompréhensible d’une mesure administrative.
Lorsqu’un bien ou un service est rare, il y a trois manières de le partager :
– La violence, le plus gros tape sur le plus petit et prend le bien rare. (Méthode longtemps utilisée alors même qu’elle fait très mal. Mais c’était avant le libéralisme et la reconnaissance du Droit à la propriété.)
– La queue. Spécialité soviétique ou des HLM : le premier arrivé, premier servi. J’y suis, j’y reste. (enfin « premier arrivé, premier servi » c’est seulement pour les plus faibles ou les plus honnêtes. Les passe-droits, les petites enveloppes ou les coups médiatiques permettent aux plus forts ou aux plus grandes gueules de s’épargner ce genre de désagrément.)
– Les prix. Chacun en fonction de son envie subjective, de ses moyens, de ce qu’il est prêt à échanger et des envies subjectives des autres, accepte ou non de faire la transaction. Lorsque beaucoup de personnes veulent des lapins ou des logements plus grands, d’autres personnes libres changent d’activité pour leur fournir davantage de lapins ou de logements.
Dans une organisation humaine, il n’existe pas de quatrième méthode magique, juste, omnisciente et bonne permettant d’affecter des biens rares.
En fixant un prix plafond, l’Etat n’abolit en aucune façon la rareté du bien visé. Il ne repartit pas non plus les biens selon une quatrième méthode. Il se contente de changer le mode d’attribution du bien en faveur d’une méthode d’attribution en tous points inférieure à celle des prix : la violence ou la queue et ses passe-droits.
Et il empêche le seul processus capable de faire réellement diminuer la rareté de ce bien : faire en sorte que davantage de personnes libres, attirées par l’augmentation du prix, consacrent leur travail, leur intelligence et leur imagination à la production de davantage de lapins euh de biens.