Le libéralisme n’existe en tant que famille philosophique que depuis le XVIIIème siècle.
Mais il n’est pas apparu miraculeusement le 1er janvier 1700 après deux mille ans de ténèbres.
Les briques conceptuelles qui le constituent sont pour la plupart apparues aux siècles précédents -voire aux millénaires précédents-. Elles se sont affinées peu à peu avant de devenir le centre d’intérêt de toute une famille de penseurs en Europe, aux Etats-Unis d’Amérique naissants, au siècle des Lumières.
Les briques principales du libéralisme sont :
– Des Droits naturels inaliénables de la personne : liberté, sûreté, propriété.
– Un Etat dont la finalité est de protéger ces Droits.
– Des pouvoirs séparés et la démocratie, meilleur garant -ou pire garant à l’exception de tous les autres-, que l’Etat ne viole pas les droits qu’il est justement chargé de protéger.
– L’existence d’un ordre social spontané -fruit de l’interaction entre des personnes libres- plus harmonieux, plus stable, plus prospère que les ordres construits.
– L’économie de marché, conséquence des droits naturels de la personne, et dont le bon fonctionnement est l’une des facettes de cet ordre spontané.
L’histoire du libéralisme commence donc comme toutes les histoires de la philosophie en Occident, du côté de la mer Egée, il y a 2500 ans.
600 avant JC, cernés par des barbares tout juste bons à être esclaves, les Grecs ne font rien comme tout le monde : ils réfléchissent à la politique.
Avant eux, la politique c’est simple : des dieux, un monarque qui décide de tout, un peuple qui obéi.
Après eux, tout sera plus compliqué. Ils posent deux questions qui 2500 ans plus tard, servent encore de matrice à toutes les questions politiques.
Quelle est la structure qui doit détenir le pouvoir politique ?
1) Un chef, un representant de Dieu
2) Une élite, une aristocratie
3) Une assemblée elue
Quelle que soit la structure qui détient le pouvoir politique (1,2 ou 3), quelle doit être l’étendue de son pouvoir sur chaque individu ?
a) Total. Absolu.
b) Au bon vouloir de (1,2 ou 3)
c) Limité, même si (1,2 ou 3) affirme le contraire.
Les différents philosophes grecs ont exploré toutes les réponses possibles de ces deux questions.
Certaines ne sont franchement pas politiquement correctes et mériteraient des excuses officielles du gouvernement grec actuel ainsi qu’une loi française les condamnant.
D’autres sont de précieuses pépites politiques que l’on retrouvera plus tard : la démocratie, le règne de la loi plutôt que d’un seul homme, la Cité, le Droit naturel..
L’immense mérite de ces premiers penseurs est d’avoir initié la tradition critique occidentale. C’est-à-dire d’avoir admis la possibilité de critiquer une pensée établie, d’accepter que plusieurs théories concurrentes puissent cohabiter jusqu’à ce que des arguments permettent à l’une d’entre elles de s’imposer.
Ce passage d’une société fermée –la récitation d’une pensée dogmatique transmise par les anciens- à une société ouverte -la pluralité et la concurrence entre les systèmes de pensée- est une révolution qui sera à l’origine de toutes les suivantes.
De leur côté les romains construisent petit à petit sur mille ans le droit romain (non sans blague ?) ou l’égalité devant la loi n’est pas franchement le point fort, mais qui developpe une jurisprudence si riche que mille cinq cents plus tard, on l’utilise encore.
Au temps des châteaux forts, la vie est parfois dure. Par exemple, la population est obligée de porter des chaussures pointues tellement antisexy que plus personne n’osera les porter à nouveau avant les femmes du début du XXI éme siècle.
Certains théologiens chrétiens cogitent beaucoup. Et c’est en leur sein que se développent et s’affirment certains concepts que l’on retrouvera quelques siècles plus tard dans la théorie libérale.
Chaque personne est égale au regard de Dieu (et si on est égal au regard de Dieu, pourquoi ne le serait-on pas au regard de la loi ?).
Chaque personne est responsable de son salut (et pour être responsable, il faut être libre, y compris de commettre des péchés).
Ces idées chrétiennes pré-libérales parviennent à maturité avec l’école de Salamanque, congrégation catholique du XVIème siècle.
Ces théologiens s’appuyant sur la doctrine de Thomas d’Aquin développeront une théorie élaborée du droit de la personne (y compris pour les incroyants, Indiens d’Amérique, Juifs, mauvais sujets en tout genres) : liberté de conscience, de mouvement, droit à la propriété (Le commandement ‘Tu ne voleras point’ protège la propriété donc celle-ci est voulue par Dieu) .
Ils remarquent aussi que certains phénomènes dans les sociétés humaines (les prix, le langage etc.. ) ne sont clairement pas naturels, mais qu’ils ne sont pas non plus voulus par la raison.
Chaque jour au marché, un prix différent pour les œufs apparaît. Personne en particulier n’a décidé du prix des œufs, mais indiscutablement d’un bout à l’autre de la place, les œufs ont un prix homogène accepté par tous. Ces phénomènes existent par la contribution de chacun, sans pour autant avoir été voulu par quiconque.
Comme ils sont croyants, ces théologiens réfléchissent d’abord à la possibilité de la main de Dieu, mais bon, ils ne sont pas très sûrs que Dieu s’intéresse à fixer le prix des œufs tous les matins sur tous les marchés d’Europe. Ils évoquent donc la possibilité d’un ordre spontané ou auto-organisé. Cet ordre spontané sera ensuite conceptualisé et nommé quelques siècles plus tard par les philosophes libéraux.
En sortant de la Renaissance, les penseurs libéraux poussent partout en Europe comme les champignons après la pluie. Avant les tempêtes révolutionnaires aux USA puis en France.
Un premier beau cèpe s’appelle John Locke. Il pousse sous la pluie de Bristol puis d’Oxford. Selon lui, chaque homme dispose d’un ‘domaine propre’, qui va plus loin que sa seule intégrité physique. Il s’agit aussi bien de ses idées, de sa liberté de mouvement, que de sa conscience et de sa propriété.
Ce domaine propre, comme son nom l’indique, lui appartient en propre, et il a le droit de le défendre contre les méchants souverains, ou les méchants d’une autre religion, les méchants voleurs, les méchants tueurs, les méchants en général.
Dans l’état de nature (c’est-à-dire avant l’apparition de l’Etat), c’est possible de défendre son domaine propre mais c’est tout de même compliqué. Il ne faut pas dormir la nuit, il faut avoir des armes, il faut tuer ou être tué dans d’atroces souffrances.
Pour éviter tous ces embêtements qui peuvent empoisonner la vie quotidienne d’un homme préhistorique, les hommes libres acceptent de prêter leur droit à utiliser la violence physique pour le confier à un arbitre neutre : l’Etat. Il s’agit bien seulement d’un prêt. Si l’Etat décide d’utiliser la violence pour empiéter plus que de raison sur le domaine propre de chaque personne (atteinte à la conscience religieuse ou à la propriété par exemple) cette personne peut reprendre son droit à la violence physique pour se défendre.
John Locke meurt en 1704 ce qui lui permet d’appartenir au club chic des penseurs du siècle des Lumières, mais de justesse. Ces idées se retrouveront partout, à Paris ou dans une petite colonie insignifiante de l’autre côté de l’Atlantique.
1727, un petit Ecossais est enlevé par des gitans. Cela ne dure pas longtemps, mais ça va lui porter chance : sans beaucoup d’idées originales, Adam Smith est considéré comme le papa de la science économique moderne.
1734 (ou peut être pas), un vieux financier francophone à la réputation sulfureuse est (peut être) assassiné dans l’incendie (suspect) de sa maison de Londres. Ca dure longtemps et ça va lui porter malchance. Richard Cantillon aurait du être considéré comme le papa de la science économique moderne.
Comme du bon vin, l’oeuvre de Cantillon a trés bien vieilli. Rédigé en 1730 en Français, « Essai sur la nature du commerce en général » pose des concepts fondamentaux de l’économie théorique moderne. De la définition de la valeur à la théorie monétaire, ses idées seront parfois re-utilisées, voir plagiées. Pas assez malheureusement… certains concepts ne seront re-découverts que 150 ans plus tard, trop tard pour empécher le developpement d’une science économique marxiste dont les succès font encore rigoler les habitants de certains pays de l’Est.
Comme du mauvais Whisky, l’oeuvre de Smith a un effet euphorique sur le moment -« La richesse des nations » popularise en effet l’économie libre et la division du travail- dans un monde imprégné de mercantilisme (les alter de l’époque), mais elle donne de méchantes gueules de bois le lendemain (à contrario de Cantillon, A. Smith pave le chemin du concept marxiste de valeur-travail à l’origine de bien des impasses futures.)
Allez pour l’euphorie, deux verres de Whisky Smithien :
– Le marché permet de réguler les méthodes de production au mieux de l’intérêt général.
Pire : même en étant égoïstes, les hommes qui produisent et commercent entre eux contribuent à la richesse générale puisqu’ils sont obligés de se mettre au service de leur client.
– La production est en général plus efficace lorsque les personnes sont spécialisées dans une tâche précise (souvent répétitive donc..). Cette dernière partie n’est pas très glamour pour les abonnés du travail à la chaîne qu’il soit manuel ou intellectuel, mais cela va permettre de ne pas mourir de faim (stupéfiant pour l’époque) et aujourd’hui de vivre dans un confort certain.
« …/… Smith est loin d’être le fondateur de la science économique, une science qui existait déjà depuis les scholastiques médièvaux et, dans sa forme moderne, depuis Richard Cantillon.
[Mais] le problème n’est pas seulement que Adam Smith n’est pas le fondateur de la science économique, le problème est qu’il n’est à l’origine d’aucune idée exacte, et que le peu dont il est à l’origine est inexact. ../… Ainsi non seulement Smith n’a pas seulement contribué à la pensée économique, mais ses ouvrages sont une grave détérioration par rapport à ses prédecesseurs : De Cantillon à Turgot, de son professeur Hutcheson à l’école Scholastique. »
M.Rothbard – An austrian perspective on the history of economic thought
L’Abbé Sieyès n’a pas vraiment la vocation, mais bon… ses parents le veulent alors il devient ecclésiastique.
Il se vengera en devenant l’un des plus brillants porte-parole du Tiers Etat.
Il sera ainsi l’un des papas de la Déclaration des Droits de l’Homme de 1789. Il a de quoi être fier. Sobre, précise et juste, elle reste inégalée.
Les suivantes, au XX eme siècle, seront altérées sous la pression soviétique par l’ajout d’une série de droits créances (droit au travail, au logement etc..).
Le travail, le logement sont des besoins légitimes (quoique le travail…), mais pour les garantir, il faut limiter les droits fondamentaux justement à l’origine de cette déclaration : liberté, propriété.
Pour garantir un travail, il faut obliger une autre personne à payer pour un travail dont elle ne veut pas ou il faut obliger d’autres personnes à acheter un produit dont elles n’ont pas envie. Pour garantir ce droit il faut donc limiter la liberté d’autres personnes.
Ca tombait bien, limiter la liberté était justement la spécialité des Soviétiques.
Le travail et un logement décent sont très importants mais les transformer en droits créances du même niveau que les droits fondamentaux affaiblit ces derniers sans garantir le moins du monde les droits-créances. La différence de niveau de vie entre les deux côtés du rideau de fer en témoigne.
En matière de Déclaration des Droits de l’Homme, rien ne vaut l’unique, la vraie, l’originale, celle de 1789.
Faites vous du bien, prenez une minute pour lire le texte ci-dessous.
Si vous avez encore une petite buée d’émotion en arrivant au dernier paragraphe de cet extrait, c’est bon signe.
200 ans après, les dix premiers mots de l’article premier n’ont rien perdu de leur force.
Jacques Turgot, petit dernier du prévôt des marchands de Paris, est très généreux : avec l’argent de sa scolarité, il achète des affaires pour les écoliers plus pauvres que lui. En plus c’est un sorbonnard brillant. Il deviendra un savant original et un contrôleur général audacieux auprès du roi Louis XVI.
Parmi ses apports théoriques, il explique que le prix d’une marchandise ou d’un travail n’est pas une valeur absolue, mais un accord subjectif et temporaire entre deux personnes pour que l’échange se fasse.
C’est important, parce que si le prix n’est pas une valeur absolue, il est absurde de tenter de le fixer arbitrairement par mesure administrative. Les socialistes peuvent bricoler tous les systèmes sophistiqués et intellectuellement brillants du monde. Ca ne marchera pas. Et ça n’a pas marché, comme l’a compris Turgot dès 1750 soit 160 ans avant que les grosses bêtises socialistes ne commencent.
Pendant ce temps là les physiocrates, les premiers économistes français, analysent la circulation des richesses. Ils en déduisent deux choses. Une fausse : seule l’agriculture créé des richesses, et une vraie : la meilleure solution pour que l’économie soit prospère est de laisser faire (sous-entendu les fermiers), laisser passer (sous-entendu le blé).
Turgot ne dit rien sur la première idée, mais écoute la seconde. En 1774 il libéralise le marché du blé hyper réglementé, cloisonné entre les régions françaises source de pénuries locales (une région crie famine, tandis que sa voisine croule sous les stocks).
Il tentera aussi de rationnaliser et de diminuer les taxes, d’abolir les corvées, de supprimer les sinécures (salaires versés à des favoris du régime sans justification). Cet activisme lui vaudra assez d’ennemis pour se faire évincer des finances du royaume en 1777, avant qu’il ne puisse mettre en marche son dernier train de reformes. Le roi venait de rater une occasion de sauver sa tête.
C’est enfin le XIX eme siècle. Les nouvelles technologies (acier, vapeur, électricité, chimie, télégraphe) envahissent le quotidien de Jules Verne et de ses contemporains.
Des start-up, des fonderies du Creusot aux filatures de la banlieue de Londres, bouleversent les modes de travail pour le meilleur et pour le pire. La production explose. Elle permet de nourir et d’habiller de plus en plus de gens qui en profitent pour ne pas mourir. Pour la première fois dans l’histoire de l’Humanité, une partie non négligeable de la population échappe à la misère noire.
Sur le plan artistique et littéraire, la liberté d’expression devient la norme ou en tout cas l’objectif et les moyens technologiques permettant de diffuser les œuvres se perfectionnent.
Pour les libéraux, le XIX siècle est paradoxal. Leurs idées sont incontestablement la locomotive de ce monde nouveau, mais elles sont aussi contrées par deux nouveaux adversaires, le socialisme et le conservatisme bourgeois, et un vieil adversaire, le conservatisme Ancien Régime.
Sur les plans des mœurs, on découvre que la liberté individuelle n’est pas uniquement une source de bonheur, mais aussi d’angoisses. L’apprentissage de la liberté individuelle vient de commencer, elle n’est pas encore terminée.
Les libéraux se retrouvent ainsi coincés entre trois adversaires : les nostalgiques de l’Ancien Régime, les conservateurs bourgeois et les socialistes. Les intérêts de ces trois adversaires sont antagonistes, et ils deviennent tour à tour les alliés de circonstances des libéraux mais ces derniers sont les seuls à promouvoir toutes les facettes des Droits de l’Homme et pas seulement certains types de libertés pour certaines catégories de citoyens au gré des circonstances.
Cette solitude ne leur réussira guère puisqu’à l’entrée du XX eme siècle, ils seront sur la défensive face aux deux rouleaux compresseurs du XX eme siècle : le fascisme et le communisme.
Ce recul des libéraux au début du XX eme, en dehors des millions de morts causées par les deux totalitarismes, aura une autre conséquence. L’histoire étant écrite par les vainqueurs, le XIX éme siècle a été largement documenté et rédigé par des socialistes, souvent talentueux et de bonne foi mais ayant une volonté de construire une légende noire de la liberté économique et du rôle des libéraux au cours de la révolution industrielle.
Le rôle des libéraux notamment en faveur des droits des ouvriers ou leur opposition au colonialisme a été souvent occulté, ce qui a plus tard permis aux communistes de présenter une alternative qui n’en est pas une : les enfants dans les mines ou le socialisme. Euuh ni l’un ni l’autre Camarade. Les Droits de l’Homme et la prospérité, le libéralisme quoi…
Un zibéral qui surgit hors de la nuit
Cours vers l’aventure au galop.
A côté des inventions visibles comme les locomotives à vapeur ou le chewing gum, des inventions invisibles vont servir de booster au développement économique : les sociétés par action, et les banques d’affaires. Désormais les entrepreneurs peuvent financer leurs projets sans s’endetter sur leurs propres biens, à condition de partager (beaucoup..) leurs bénéfices avec les actionnaires.
Dans le même temps, on peut mettre ses modestes économies ailleurs que dans un bas de laine. On peut désormais devenir propriétaire d’une toute petite fraction d’un énorme projet (une usine, une ligne de chemin de fer etc..)
Ces mécanismes créés par une législation adéquate vont permettre à des industriels, des banquiers et des marchands de s’enrichir rapidement. Les bourgeois viennent de naître et ils sont contents d’eux-mêmes.
Ils ont de quoi, la France se couvre d’usines sidérurgiques, de bassins houillers, de filatures, et de réseaux de chemin de fer. L’ensemble de la population bénéficie de cette course aux découvertes ainsi qu’aux nouvelles méthodes de production. Elle en paie aussi le prix avec le travail répétitif et le développement d’une misère urbaine plus visible (plus dure ?) que la misère des campagnes.
Certains industriels finissent par se convaincre qu’ils sont des représentants de l’intérêt national et qu’à ce titre, ils peuvent limiter la liberté d’échange, la liberté de s’associer, la liberté d’expression des autres. (C’est un peu une manie chez tous les représentants autoproclamés de l’intérêt général : d’abord limiter la liberté des autres).
Ces industriels, grands bénéficiaires des droits de l’Homme, qui leur ont permis de commercer librement sans entretenir une caste de privilégiés, vont donc se retrouver en porte-à-faux avec les députés ou les penseurs libéraux sur trois points : le protectionnisme, le droit d’association des ouvriers et le colonialisme.
Certains industriels ayant acquis une position dominante sur le marché national poussent donc le pouvoir politique à interdire ou à taxer très fortement les produits venant des autres pays européens.
Pour les libéraux, le protectionnisme est immoral et inefficace économiquement.
Chaque personne est libre d’échanger pacifiquement le fruit de son travail avec son voisin ou une personne d’un autre continent. Une personne d’un autre continent est aussi respectable qu’un voisin, et aussi digne de profiter d’un libre échange de biens ou de travail. Ce n’est pas à l’Etat ou pire à un industriel d’interdire des échanges entre deux personnes.
Le protectionnisme en faveur de patrons influents est le signe d’une collusion entre intérêt privé et intérêt public. Or l’Etat a un rôle d’arbitre, pas de serviteur pour protéger les intérêts de quelques personnes au détriment de l’intérêt général.
D’autre part lorsque les hommes politiques disent par exemple : ‘Nous allons taxer les oranges étrangères’, ils ne disent pas la vérité.
Ce n’est jamais le produit importé qui paie une taxe. On n’a jamais vu un kilo d’oranges sortir quelques sous au douanier en passant la frontière. Celui qui paie la taxe, c’est celui qui achète le produit, jamais le produit lui-même. Ce sont donc les pauvres qui achètent le produit importé qui paient une taxe, permettant au riche de garder une rente de situation.
En 1846, les Anglais abolissent les corns laws, lois protectionnistes sur le blé.
Cela a plusieurs conséquences :
– Les ouvriers anglais peuvent acheter du pain beaucoup moins cher, et donc le manger.
– Les aristocrates, grands propriétaires terriens et profiteurs du protectionnisme, perdent du pouvoir économique puis politique.
– Le prix des transports baisse, les bateaux exportant de la houille revenant désormais chargés de blé.
En 1860, les Français signent un accord de libre-échange avec les Britanniques.
Saint Gobain baisse le lendemain ses prix de 32 % en continuant de faire des bénéfices. Ciel, un fleuron de l’industrie française aurait surfacturé ses services à sa patrie ? Le protectionnisme n’est-il pas au service de tous ?
Certains industriels ayant acquis une position dominante sur le marché national poussent donc le pouvoir politique à interdire ou à taxer très fortement les produits venant des autres pays européens.
Pour les libéraux, le protectionnisme est immoral et inefficace économiquement.
Chaque personne est libre d’échanger pacifiquement le fruit de son travail avec son voisin ou une personne d’un autre continent. Une personne d’un autre continent est aussi respectable qu’un voisin, et aussi digne de profiter d’un libre échange de biens ou de travail. Ce n’est pas à l’Etat ou pire à un industriel d’interdire des échanges entre deux personnes.
Le protectionnisme en faveur de patrons influents est le signe d’une collusion entre intérêt privé et intérêt public. Or l’Etat a un rôle d’arbitre, pas de serviteur pour protéger les intérêts de quelques personnes au détriment de l’intérêt général.
D’autre part lorsque les hommes politiques disent par exemple : ‘Nous allons taxer les oranges étrangères’, ils ne disent pas la vérité.
Ce n’est jamais le produit importé qui paie une taxe. On n’a jamais vu un kilo d’oranges sortir quelques sous au douanier en passant la frontière. Celui qui paie la taxe, c’est celui qui achète le produit, jamais le produit lui-même. Ce sont donc les pauvres qui achètent le produit importé qui paient une taxe, permettant au riche de garder une rente de situation.
En 1846, les Anglais abolissent les corns laws, lois protectionnistes sur le blé.
Cela a plusieurs conséquences :
– Les ouvriers anglais peuvent acheter du pain beaucoup moins cher, et donc le manger.
– Les aristocrates, grands propriétaires terriens et profiteurs du protectionnisme, perdent du pouvoir économique puis politique.
– Le prix des transports baisse, les bateaux exportant de la houille revenant désormais chargés de blé.
En 1860, les Français signent un accord de libre-échange avec les Britanniques.
Saint Gobain baisse le lendemain ses prix de 32 % en continuant de faire des bénéfices. Ciel, un fleuron de l’industrie française aurait surfacturé ses services à sa patrie ? Le protectionnisme n’est-il pas au service de tous ?
Pour les libéraux, la meilleure protection pour les salariés, c’est la prospérité économique. La meilleure protection contre un patron abusif, c’est d’avoir le pouvoir de claquer la porte parce que l’on est sûr de retrouver du travail facilement.
Les salariés ont tout de même intérêt à se regrouper pour parer à l’asymétrie du rapport de force. Une personne seule ne dispose pas des compétences juridiques dont dispose une entreprise. De plus, une personne seule a besoin de son salaire tous les mois, tandis qu’une entreprise de 1000 salariés peut se passer d’un salarié du jour au lendemain.
Pour les libéraux, un contrat est la base juridique d’une société libre. Les syndicats permettent de négocier les termes des contrats et d’en contrôler le bon respect. Lorsqu’ils ont ce rôle, les syndicats sont donc souhaitables : davantage de contrats satisfaisants pour les deux parties, davantage de prospérité générale.
Pour beaucoup de socialistes et d’anarchistes, les syndicats sont un bélier politique préparant la grande révolution. Ils vont donc noyauter les coalitions ouvrières parce que les ouvriers, laissés tout seuls, pourraient se détourner de leur destinée grandiose prédite par Marx. Ces hédonistes incultes pourraient se satisfaire d’une bête amélioration de leurs conditions de travail au lieu de tout sacrifier pour une société construite s des plans parfaits.
Les bourgeois conservateurs s’opposeront aux syndicats parce qu’ils préfèrent dicter les termes des contrats et n’avoir personne pour en contrôler le bon respect. C’est sûr qu’à court terme c’est plus sympa de faire des affaires avec un vis-à-vis bâillonné.
Coincé entre la politique répressive des bourgeois conservateurs et l’instrumentalisation socialiste des syndicats, les libéraux seront souvent seuls pour défendre les syndicats, les vrais.
1849 : A l’Assemblée, Frédéric Bastiat, député libéral, soutient un autre député libéral, Morin, sur un amendement autorisant les coalitions ouvrières à condition que celles-ci ne fassent pas usage de la violence. Sans succès.
1864 : Une première loi reconnaissant le droit de grève est adoptée grâce au gouvernement du libéral Emile Ollivier, premier ministre et ministre de la justice.
1876 Le député libéral Edouard Lockro dépose une loi autorisant les syndicats et les conventions collectives. Mais elle est combattue pendant 8 ans par les socialistes et les bourgeois conservateurs.
1884 Les syndicats sont autorisés sur proposition du ministre libéral Waldeck-Rousseau.
1906 Le député libéral Gaston Doumergue dépose un projet de loi autorisant la création de conventions collectives. Cette loi est combattue par la CGT.
Les socialistes aiment bien l’idée d’utiliser l’Etat pour construire une société meilleure et guider un peuple ignorant. Même si le peuple en question vit en Afrique ou en Asie.
Ca tombe bien, les bourgeois conservateurs veulent faire des affaires en ayant l’exclusivité de zones géographiques et des clients captifs.
Et certains conservateurs aiment bien faire la guerre surtout si ils sont sûrs de gagner.
Le colonialisme c’est que du bonheur pour tout le monde…
Sauf pour beaucoup de libéraux, pour qui il s’agit d’une vaste entreprise étatique et protectionniste, mettant l’armée de la nation au service de quelques intérêts particuliers.
Mais bon, ces libéraux sont tellement vulgaires avec leur liberté d’échanger des marchandises tandis que les colonialistes parlent civilisation, culture, grandeur de la nation et entreprises patriotiques.
Lorsque les indigènes –eux aussi sans doute un peu vulgaires- voudront reprendre leur liberté, plus personne ne se rappellera que beaucoup de libéraux ont eu raison avant tout le monde.
Avant les choses étaient simples, la personne n’existait pas, elle était une sous-partie d’une famille, d’une corporation et son rôle était de s’effacer afin de suivre au mieux les usages et les conventions.
En balayant l’Ancien Régime, le libéralisme déclare que les droits et les rapports sociaux doivent désormais se régler au niveau de la sous-partie. Une créature nouvelle vient de naître : la personne, l’individu.
Et très vite, au XIX eme siècle, on comprend que la liberté acquise par la personne est un cadeau certes, mais un cadeau parfois explosif, douloureux ou laissant libre cours à la vulgarité.
En psychologie, surprise, la liberté ne rend pas forcément heureux ! La personne au contraire a du vague à l’âme devant les infinis, sa finitude, et n’a plus rien pour se raccrocher ou donner un sens à son existence sauf sa propre vision : plus de Dieu obligatoire, plus de rang. Le libéral romantique se coiffe comme Chateaubriand pour méditer devant une mer de nuages. Il écoute son propre coeur, les mouvements de son âme et tout ça le plonge parfois dans une grande mélancolie..
Et ça c’est pour ceux qui réfléchissent… parce que re surprise, en jouissant de la liberté, beaucoup de personnes ne deviennent pas forcement des esthètes aventuriers ou des rebelles philosophes. La liberté créé aussi des petits bourgeois mesquins, vindicatifs, cavalant derrière des honneurs factices ou des populos grossiers, obtus et sans curiosité.
Face à ce nouvel univers, des artistes (Victor Hugo, Chateaubriand, Constant, Madame de Stael) revendiquent et construisent une nouvelle façon de concevoir l’art littéraire. Avec le romantisme, cette liberté se manifeste par l’émancipation du « moi ». L’artiste ne doit plus s’effacer devant des conventions, le classicisme antique, mais au contraire n’admettre qu’une autorité : lui-même.
Dans le même temps, ces artistes prennent acte des conséquences de la liberté sur la population avec un mélange d’enthousiasme pour une nouvelle civilisation et la crainte d’une dictature future des masses promis par les socialistes ou d’une vulgarité généralisée pressentie dans le comportement de certains bourgeois.
La liberté individuelle vient de naître, et son apprentissage commence. Il est dur, 200 ans plus tard, il est loin d’être terminé.