L'économie de marché

L’économie libérale

Le libéralisme est donc une philosophie politique basée sur la liberté individuelle.

Et il se trouve que les personnes libres passent une partie de leur temps éveillées à produire ou à échanger pour pleins de bonnes raisons. Ou plus généralement à agir ou à choisir.

Naturellement les penseurs libéraux se sont beaucoup intéressés à l’art de produire, d’échanger et à ses conséquences. Le libéralisme économique, c’est-à-dire la liberté de produire et d’échanger, est une des facettes du libéralisme au même titre que la liberté d’expression ou la liberté des mœurs.

L’économie existe depuis que les Hommes produisent et échangent mais la science économique est née sous la plume des premiers penseurs libéraux il y a moins de 250 ans. Elle s’est ensuite diversifiée en de multiples écoles en suivant des méthodologies ou des concepts débouchant parfois sur des théories totalement opposées au libéralisme.

La science économique et la médecine ont un point commun : elles ont une histoire encombrée de théories contradictoires, de rituels magiques, de charlatanismes en tout genre ou de scientisme mal placé. Malheureusement pour la prospérité économique, la comparaison s’arrête là. La médecine a largement réussi à se débarrasser de ses théories les plus loufoques, confinant la numérologie et l’astrologie aux dernières pages de Télé poche.

La science économique, elle, permet tous les jours en son nom, à des sorciers vaudous ou des mathématiciens fous de proposer des rituels collectifs saugrenus ou des prédictions bidons au beau milieu de journaux sérieux dans lesquels la vie des stars est à peine évoquée, c’est dire s’ils sont sérieux.

Tous les patients des sciences économiques ne sont pas pourtant pas dans une misère noire, c’est bien le signe que certains traitements ou concepts marchent mieux que d’autres..

« L’activité économique nous fournit les moyens matériels de toutes nos fins. Dans le même temps, la plupart de nos efforts individuels sont destinés à fournir à d’autres des moyens en vue de leurs fins afin qu’ils nous fournissent en retour les moyens en vue de nos fins. C’est uniquement parce que nous sommes libres dans le choix de nos moyens que nous sommes aussi libres dans le choix de nos fins.
La liberté économique est par conséquent une condition indispensable de toute autre liberté, et la libre entreprise est à la fois une condition nécessaire et une conséquence de la liberté individuelle »
F. A. Hayek  – « La composante morale de la libre entreprise »
« Ce que l’on nomme communément la « révolution industrielle » a été un rejeton de la révolution idéologique opérée par les doctrines des économistes. Les économistes renversèrent les vieux axiomes : qu’il est déloyal et injuste de l’emporter sur un concurrent en produisant des biens meilleurs et moins chers ; que c’est porter atteinte à l’équité de s’écarter des méthodes traditionnelles de production ; que les machines sont un mal puisqu’elles entraînent le chômage ; que c’est l’une des tâches du gouvernement de la cité d’empêcher les hommes d’affaires efficaces de devenir riches, et de protéger les moins efficients contre la concurrence des plus efficients ; que restreindre la liberté des entrepreneurs par la contrainte gouvernementale ou par la coercition de la part d’autres pouvoirs sociaux est un moyen approprié de développer le bien-être d’une nation. »
Ludwig Von Mises

La science économique, comme d’autres sciences humaines, n’a pas encore de consensus sur sa méthodologie, ses concepts de base.

 

Cette absence de référentiel commun permet à des messieurs très sérieux d’affirmer des choses complètement contradictoires et de se lancer dans des pronostics aussi fiables qu’un horoscope de madame Soleil.


Ce flou généralisé permet aussi à des charlatans de vendre des potions magiques à des électeurs un peu déboussolés.


Les libéraux se reconnaissent souvent dans l’Ecole Autrichienne pour sa rigueur conceptuelle, l’humilité dans les objectifs et l’importance centrale donnée à l’individu libre.

Le grand sorcier va faire tomber du ciel de la prospérité pour tous grâce à la fameuse danse magique Non-aux-profits-capitalistes !
Tous à la danse de la pluie Bastille-République !

L’école autrichienne

1930. Les années folles sont terminées. Finie la rigolade libérale, le fox-trot, l’art déco, l’individualisme fêtard, la consommation de masse. Place aux idéologies totalitaires, aux prolétaires, aux races pures et à leurs meneurs qui s’occupent des choses sérieuses.

Les fondations du libéralisme sont chancelantes sous les coups de boutoir des guerres, de la crise économique et des grandes idéologies totalitaires.

Sur le plan des idées, il n’y a plus grand monde sur les remparts pour défendre les droits de l’Homme, l’économie libre. Des surréalistes aux staliniens, en passant par les nazis, il y a un consensus sur un point : le monde bourgeois doit disparaître, l’histoire est en marche vers un monde nouveau.

L’Autriche est aux premières loges de ce charmant spectacle. Et c’est dans ce pays que certains spectateurs font commencer à faire la grimace. Sur des strapontins des universités de Vienne (des profs non rémunérés par le gouvernement), le libéralisme économique va renaître de ses cendres sur le plan intellectuel avant de se disséminer notamment aux USA à l’arrivée des troupes allemandes.

L’Ecole Autrichienne considère que la science économique s’est fourvoyée sur la méthodologie, laissant un boulevard aux théories marxistes, planistes ou keynésiennes. Il faut renouer les liens avec les grands anciens -Juan de Mariana de l’école scolastique, Cantillon, Turgot, Say, Hume, Constant, Bastiat- puis affiner les concepts, la méthodologie et reconstruire une théorie de l’échange : la catallaxie.


 « La plupart des gens, économistes compris, pensent que la science économique est sortie toute faite de l’esprit de Adam Smith à la fin du 18 éme siècle. ../… Ceci est grossièrement incorrect.  La pensée économique moderne, c’est à dire une analyse centrée sur la comprehension de l’économie libre, a été fondée en France et non en Grande-Bretagne et  cela 50 ans avant Adam Smith.
De plus, ces écrivains Français, malgré leur diversité, ne doivent pas être considérés comme des pre-ricardiens, mais comme des ‘proto-autrichiens’, c’est à dire des précurseurs de l’approche individualistique, déductive et subjective de la valeur qui a été établie en 1870 à Vienne. »
M.Rothbard – An austrian perspective on the history of economic thought

 

« Les despotes et les majorités démocratiques sont enivrés par le pouvoir. Ils doivent, à contrecœur, admettre qu’ils sont assujettis aux lois de la nature. Mais ils repoussent l’idée même de loi économique. Ne sont-ils pas les législateurs souverains ? N’ont-ils pas le pouvoir d’écraser quiconque s’oppose à eux ? Aucun seigneur de la guerre n’est enclin à reconnaître de limite autre que celle que lui impose une force armée supérieure. Des écrivailleurs serviles sont toujours disponibles pour flatter cette vanité en exposant les doctrines appropriées. Ils appellent « économie historique » leurs suppositions embrouillées. En réalité, l’histoire économique est un long catalogue de politiques gouvernementales qui ont échoué pour avoir été conçues avec une téméraire méconnaissance des lois de l’économie. »
Ludwig Von Mises – Action Humaine

 

« Nous devons à nouveau rendre la création d’une société libre une aventure intellectuelle, un acte de courage. Ce qui nous manque, c’est une utopie libérale, un programme qui ne semble être ni une simple défense des choses existantes, ni une forme diluée de socialisme, mais un véritable radicalisme libéral qui n’épargne pas les susceptibilités des puissants (y compris les syndicats), qui ne soit pas strictement pratique, et qui ne se confine pas à ce qui semble aujourd’hui politiquement possible. Nous avons besoin de leaders intellectuels qui soient préparés à résister aux flatteries des gens puissants et influents, qui aient envie de travailler pour un idéal, aussi faibles soient les perspectives de sa prochaine réalisation. »
Friedrich von Hayek.

Salma Hayek n’a aucun lien de parenté avec Friedrich von Hayek.

Elle est mexicano-libanaise, actrice à Hollywood. Elle a notamment tourné dans ‘Desperado’ où une scène bien filmée nous fait partager la trajectoire courbe d’un éperon denté (et très chanceux).


Il est autrichien, élève de Mises et l’un des grands penseurs libéraux du XX eme siècle.

On lui doit notamment des apports importants sur l’ordre spontané et sur les limites de notre capacité à modeler une société via l’Etat.
Bizarrement lorsque l’on tape Hayek sur Google Image, il n’y a que des photos de Salma qui apparaissent. Un complot des socialistes ?

L’économie théorique

Certains humanistes (pas trop curieux) font une impasse totale sur l’économie pour une (fausse) raison :

L’économie c’est chiant.

Certes prendre son petit déjeuner avec le taux d’inflation ou les cours de la bourse à la radio peut donner aux âmes sensibles l’envie de partir vivre nu de fruits, d’amour et d’eau fraîche sur une île paradisiaque.

Ce projet ensoleillé ne doit pas être pris pour des mauvaises raisons, en tout cas pas à cause de l’économie.

L’économie qu’un gentilhomme averti doit connaitre, ce n’est pas le chiffre d’affaires de la sidérurgie en Moldavie ou les estimations (fausses) de la croissance en Bretagne nord pour la prochaine année.

L’économie du gentilhomme éclairé ce ne sont pas non plus des équations mathématiques délirantes agrégeant tout et son contraire dans des petites boites aux définitions approximatives.

L’économie ce sont une poignée concepts clairs et compréhensibles, et les relations logiques qu’ils entretiennent les uns aux autres.

Faire l’impasse sur ces quelques connaissances accessibles, c’est se priver d’outils simples pour mieux comprendre son environnement immédiat et pour rendre le  monde  plus beau.

« Dans la sphère économique, un acte, une habitude, une institution, une loi n’engendrent pas seulement un effet, mais une série d’effets. De ces effets, le premier seul est immédiat; il se manifeste simultanément avec sa cause, on le voit. Les autres ne se déroulent que successivement, on ne les voit pas; heureux si on les prévoit.

Entre un mauvais et un bon Économiste, voici toute la différence: l’un s’en tient à l’effet visible; l’autre tient compte et de l’effet qu’on voit et de ceux qu’il faut prévoir. »
Frédéric Bastiat – Ce que l’on voit, ce que l’on ne voit pas
 
« La société n’est pas pour elle [la mauvaise science économique] un sujet d’observations, mais une matière à expériences, elle n’est pas un corps vivant dont il s’agit d’étudier les organes, mais une matière inerte que le législateur soumet à un arrangement artificiel. Cette école ne suppose pas que le corps social soit assujetti à des lois providentielles; elle prétend lui imposer des lois de son invention.
La République de Platon, l’Utopie de Thomas Morus. l’Oceana de Harrington, le Salente de Fénelon, le régime protecteur, le saint-simonisme, le fouriérisme, l’owenisme et mille autres combinaisons bizarres, quelquefois appliquées, pour le malheur de l’espèce humaine, presque toujours à l’état de rêve, pour servir de pâture aux enfants à cheveux blancs, telles sont quelques unes des manifestations infinies de cette-école. »
Frédéric Bastiat – Un économiste à M. Alphonse de Lamartine

 

Des méchants sorciers ont transformé l’économie en vilain crapaud pour être sur de la garder rien que pour eux.

La première potion maléfique que ces créatures de la nuit ont fait ingurgiter à la pauvre économie, c’est des équations mathématiques basées sur des agrégats très approximatifs.

N’importe quel lycéen sain d’esprit ayant croisé l’économie après cette première malédiction range méthodiquement et pour toujours, cette discipline dans la catégorie ‘matière à subir pendant encore 6 mois, et à oublier de toute urgence pour toujours’. Or les lycéens deviennent un jour des citoyens qui votent.

La deuxième potion est administrée par les médias ou par les politiques sous la forme d’avalanche de chiffres qui permettent soit de se réjouir, soit de s’attrister sans d’ailleurs très bien savoir pourquoi.

L’économie devient alors une litanie de nombres imprévisibles aussi exaltants que la météo marine et aussi significatifs pour l’avenir que les entrailles de poulet pas frais.

La transformation de la jolie économie en vilain crapaud n’est pas forcement volontaire mais elle rend service à beaucoup de monde :

Certains économistes qui deviennent ainsi des gourous aussi respectés qu’incohérents.

Et les étatistes bien conscients de la chance d’avoir des électeurs révulsés par le crapaud. Ils jouissent ainsi du bonheur de dire tout et son contraire avec un air de matador imbécile, pardon, un air volontaire.

Pourtant avec quelques lectures saines (des économistes de l’école autrichienne au hasard), à la place du vilain crapaud il y aurait une jolie princesse que la population refuserait de voir malmené par les méchants étatistes.

Allez courage. Un gros bisou sur le front du crapaud

La catallaxie


Sur le plan de la méthodologie, les phénomènes économiques ou sociaux n’ont qu’une origine : des individus qui choisissent subjectivement et qui agissent.

 La science économique doit donc se bâtir en partant de cette brique fondamentale : l’individu libre, agissant en suivant des objectifs dont lui seul peut estimer l’importance.

Cela a plusieurs conséquences :

Les agrégats économiques (croissance, PIB,  etc..) et les formules qui y sont rattachées sont à manipuler avec précaution : les phénomènes collectifs économiques n’ont pas d’autres origines que les interactions entre individus libres et imprévisibles..

Les mathématiques sont largement inadaptées pour la science économique. La valeur étant subjective et différente pour chaque individu, les lois économiques sont qualitatives et non quantitatives.
 
Le futur est imprévisible parce qu’il est construit par des individus libres. Une science économique qui tente de faire des prévisions chiffrées est une douce charlatanerie.

Cette sévère cure d’humilité pour les sciences économiques leur laisse pourtant un immense espace de recherche et une importance énorme dans les choix politiques : reconstruire par la logique et par des axiomes irréfutables des propositions permettant d’éclairer l’action humaine et les conséquences des choix


« Toutefois, ce n’est pas ici une dispute sur des questions d’heuristique, mais une controverse portant sur les fondations de la science économique. La méthode mathématique doit être rejetée, et pas seulement en raison de sa stérilité. C’est une méthode entièrement fautive, partant de postulats faux et conduisant à des déductions fallacieuses. Ses syllogismes ne sont pas seulement stériles ; ils détournent l’esprit de l’étude des problèmes réels et déforment les relations entre les divers phénomènes…/…
Ils formulent des équations et tracent des courbes supposées décrire la réalité. En fait ils décrivent seulement un état de choses hypothétique et irréalisable, nullement similaire aux problèmes catallactiques en question. Ils substituent des symboles algébriques aux termes définis en monnaie employés dans le calcul économique, et ils croient que cette procédure rend le raisonnement plus scientifique. Cela impressionne fortement le profane crédule. En fait, ils rendent confus et embrouillé ce qui est traité de façon satisfaisante dans les manuels d’arithmétique commerciale et de comptabilité. »
Ludwig Von Mises – Action Humaine

« Je propose que nous appelions cet ordre spontané du marché, une catallaxie …/… Catallaxie est tiré du verbe grec ancien Katallatein qui signifie non seulement troquer et échanger, mais également admettre dans la communauté et faire un ami d’un ennemi »
Friedrich von Hayek (1899-1992) – Les principes d’un ordre social libéral.

« Il est illusoire de croire qu’il est possible de visualiser des ensembles collectifs. Ils ne sont jamais visibles ; la connaissance qu’on peut en avoir vient de ce que l’on comprend le sens que les hommes agissants attachent à leurs actes…/…Ceux qui prétendent commencer l’étude de l’agir humain en partant d’unités collectives rencontrent un obstacle insurmontable dans le fait qu’au même moment un individu peut appartenir, et en fait — à l’exception de ceux des plus primitives tribus — appartient réellement à diverses entités collectives. Le problème soulevé par la multiplicité d’unités sociales coexistantes et par leurs antagonismes mutuels ne peut être résolu que par l’individualisme méthodologique. »
Ludwig Von Mises – Action Humaine

Ludwig Von Mises et Friedrich Hayek sont un peu les Men In Black de la planète économique. (Le petit chien méchant, c’est Rothbard)

Et ils ont bien du travail. La planète économique est envahie par des extraterrestres conceptuels ou méthodologiques n’ayant rien à faire là.


Il y a d’abord le Mathoïde Courbesque de la galaxie scientiste. Il tente de décrire les phénomènes économiques avec des équations et des courbes de plus en plus complexes. Malheureusement on ne connaît pas de formules pour évaluer la liberté et la subjectivité à l’origine de chaque échange.


Il y a le malheureux Experimentator de l’amas stellaire ‘Biologie’. Cette créature sympathique tente de valider ses hypothèses économiques par des expériences. C’est très courageux mais les êtres humains ne sont pas des bactéries et on ne peut pas mettre côte à côte 22 éprouvettes en testant différents scénarios. Steevy n’est pas représentatif des Français, et Loana ne fait peut être pas l’amour dans une piscine sans caméra..


On trouve aussi le terrible Agregatus deterministoide de la planète Marx dont les méfaits continuent d’alimenter les discours de campagne électorale.


Heureusement, la grosse arme que les MIB tiennent négligemment, c’est l’individualisme méthodologique : la terreur des extraterrestres (Bon.. terreur peut être pas. En tout cas une source d’agacement.)

La rareté


Comme l’ont très vite remarqué des philosophes grognons : la condition humaine n’a pas que des avantages.

D’abord, on meurt à la fin.

Et en plus on ne peut être qu’à un seul endroit à la fois. Par rapport à toutes les choses que nous voudrions faire, notre temps sur Terre est donc limité, rare.

Ensuite, beaucoup de ressources matérielles, du blé jusqu’au métal en passant par le silicium ou le chocolat sont aussi limitées, rares.

Et comme nous avons envie souvent de sensations (ne pas avoir faim, sentir bon) qui nécessitent à la fois des ressources (rares) et du temps (rare) pour transformer ces ressources, notre bien-être dépend d’objets ou de sensations deux fois rares. Ca fait beaucoup.

Face à ce constat un peu frustrant, une solution est d’inventer une divinité maléfique responsable de cette rareté (le malin, le marché, les bourgeois) et des rituels permettant de l’exorciser.

L’économie libérale propose une autre voie, plus modeste : une auto-organisation des échanges qui permet de gérer la rareté le moins mal possible  (et sans bain de sang autant que faire se peut.)

L’économie libérale ne promet donc pas de faire disparaître la rareté, c’est impossible.

L’économie libérale ne promet pas le bonheur général, l’amour, la plénitude ou la fraternité. Il s’agit de catégories très respectables mais qui ne sont pas rares (ni abondantes d’ailleurs) et qui sont en tous cas hors de son périmètre.

L’économie libérale permet modestement d’allouer les ressources matérielles et le temps de travail le moins mal possible compte tenu de la complexité de notre société, tout en respectant les Droits de chaque personne (liberté, sûreté, propriété).

« Dans la doctrine de Marx et de ses disciples, la rareté est une catégorie historique seulement. Elle est la caractéristique de l’histoire primitive de l’humanité, qui sera pour toujours liquidée par l’abolition de la propriété privée. Lorsque l’humanité aura effectué le saut du domaine de la nécessité dans le domaine de la liberté et ainsi atteint « la phase supérieure de la société communiste », il y aura abondance et conséquemment il sera faisable de donner « à chacun selon ses besoins ». Il n’y a dans la vaste marée des écrits marxistes pas la moindre allusion à la possibilité qu’une société communiste dans sa « plus haute phase » se trouve confrontée à une rareté des facteurs naturels de production. Le fait de l’indésirabilité du travail est évaporé par l’assertion que travailler sous le communisme, bien entendu, ne sera plus désormais un désagrément mais un plaisir, « la nécessité primordiale de la vie »  Ludwig Von Mises – Action Humaine

La corne d’abondance pourrait permettre de résoudre beaucoup de problèmes économiques d’un coup.

 

Plus de rareté,  plus d’économie, plus de problèmes

Malheureusement, personne ne sait ou elle est cachée et sa propriétaire initiale la glorieuse chèvre Amalthée, (elle eut l’immense privilège d’allaiter Zeus bébé) qui broute quelque part dans l’Olympe,  n’a pas l’intention de redescendre tout de suite.

De toutes manières, si les textes anciens sont formels sur l’abondance en fruits et en fleurs sortant de cet objet enchanté, ils ne parlent pas de gadgets digitaux et de m2 en centre ville.

Bref rien pour épater les copains de cours d’école de 14 ans ou 40 ans. Pas trop de regrets à avoir donc.

L’arbitrage

 


A cause de la rareté, nous allons donc être obligés d’arbitrer, c’est à dire choisir entre différentes options. 

Choisir quel bien matériel nous voulons acquérir en priorité. 
Acheter un roman de Houellebecq, acheter un roman de Jules Verne ou ni l’un ni l’autre. 

Choisir à quoi utiliser notre temps. 
Lire un roman de Houellebecq, lire un roman de Jules Verne ou ne pas lire. 

Ces choix sont subjectifs. Chaque personne selon ce qu’elle attend d’un roman, et selon ce qu’elle pense trouver dans ces deux ouvrages, choisira l’un ou l’autre ou ni l’un ni l’autre. 

Ces choix sont hasardeux. La personne peut se tromper sur l’attente qu’elle avait réellement de l’ouvrage, ou sans s’être trompée sur son attente, s’être trompée sur la teneur exacte de l’ouvrage. 

Ces choix peuvent être conflictuels. Une autre personne peut vouloir lire le même roman alors qu’il ne reste qu’un seul exemplaire dans la librairie. 

Ces choix peuvent être difficiles à trancher. L’hésitation peut être forte entre les deux romans ou aucun roman, mais une des trois options finit par l’emporter. Choisir entre différentes options, ‘arbitrer’ est la conséquence de la rareté. 

L’économie libérale permet d’arbitrer en fonction de ses propres goûts, valeurs, besoins et en fonction du prix qui transportent une information sur tous les arbitrages faits en amont par les milliers de personnes ayant contribué à proposer ce bien ou ce service.

« La gradation des moyens est, comme celle des fins, un processus de préférer a à b. C’est préférer et écarter. C’est manifester le jugement que a est désiré plus intensément que ne l’est b. […] Si quelqu’un m’offre le choix entre trois billets donnant droit à assister aux représentations d’Aïda, de Falstaff et de La Traviata ; et, si je n’en puis prendre qu’un, que je prenne Aïda ; et si je puis en prendre encore un, aussi Falstaff, j’ai fait un choix. Cela signifie : dans des conditions déterminées, je préfère Aïda et Falstaff à La Traviata ; si je ne pouvais choisir que l’un de ces opéras, je préférerais Aïda et je renoncerais à Falstaff. Si j’appelle le fauteuil pour Aïda a, celui pour Falstaff b et celui pour La Traviata c, je puis dire : je préfère a à b et b à c. »
Ludwig Von Mises – Action Humaine

 

Pour s’attaquer à l’économie libérale, des collectivistes s’attaquent parfois à l’irrationalité de certains arbitrages individuels :

Les choix individuels sont parfois irrationnels, hasardeux, difficiles, le marché ne peut pas donc fonctionner parfaitement.Juger de la rationalité d’un choix personnel est assez présomptueux, mais c’est vrai que le marché ne fonctionne pas parfaitement.

Le problème c’est que les choix collectifs sont autant hasardeux, irrationnels et difficiles que les choix individuels, mais en plus ils sont collectifs, c’est-à-dire qu’ils sont souvent moins efficaces et qu’ils ne tiennent pas compte de la liberté, des valeurs ou des goûts différents de chaque personne.

Le choix n’est donc pas entre marché imparfait et décisions collectives étatiques parfaites. Mais entre marché imparfait et décisions étatiques encore plus imparfaites.

Il y a des choix collectifs à faire mais chaque fois que cela est possible, il vaut mieux laisser les personnes choisir elles-mêmes.

 

Le coût d’opportunité

Mlle Cléa décide finalement de se plonger dans un voyage extraordinaire de Jules Verne, renonçant à lire un Houellebecq. Elle dépense donc 5 euros et 3 heures de son temps.

En dépensant ces 5 euros et 3 heures de lecture, elle n’a pas seulement dépensé du temps et de l’argent. Elle a aussi perdu ce qu’elle aurait pu avoir en utilisant le temps et l’argent ailleurs.

Le coût d’opportunité de la lecture de Jules Verne, ce sont les choses auxquelles elle a réellement renoncé pour pouvoir lire Jules Verne. En l’occurrence les pages désabusées bien écrites et parfois complaisantes de Houellebecq (ainsi que quelques scènes de cul habilement réparties tous les trois chapitres.)

Le coût d’opportunité, c’est la meilleure autre utilisation qu’elle aurait pu faire de son temps et de son argent, si elle n’avait pas arbitré en faveur de son premier choix.

Lorsque l’on évalue la justesse d’un choix, on ne doit pas seulement tenir compte des dépenses directes, mais aussi des gains que l’on ne pourra pas faire par ailleurs à cause de ce choix.

Ce n’est pas très intuitif : les dépenses directes se voient, mais le coût d’opportunité ne se voit pas, car par définition il tient compte de ce qui ne va pas exister.

C’est un concept important parce que ce coût d’opportunité est souvent mal évalué dans les arbitrages personnels ou dans les choix collectifs.

« Avez-vous jamais été témoin de la fureur du bon bourgeois Jacques Bonhomme, quand son fils terrible est parvenu à casser un carreau de vitre ? Si vous avez assisté à ce spectacle, à coup sûr vous aurez aussi constaté que tous les assistants, fussent-ils trente, semblent s’être donné le mot pour offrir au propriétaire infortuné cette consolation uniforme: « A quelque chose malheur est bon. De tels accidents font aller l’industrie. Il faut que tout le monde vive. Que deviendraient les vitriers, si l’on ne cassait jamais de vitres ? »
[…]
On ne voit pas que, puisque notre bourgeois a dépensé six francs à une chose, il ne pourra plus les dépenser à une autre. On ne voit pas que s’il n’eût pas eu de vitre à remplacer, il eût remplacé, par exemple, ses souliers éculés ou mis un livre de plus dans sa bibliothèque. Bref, il aurait fait de ces six francs un emploi quelconque qu’il ne fera pas. »
Frédéric Bastiat
« Ce qu’on voit, ce qu’on ne voit pas. »
« Quand un fonctionnaire dépense à son profit cent sous de plus, cela implique qu’un contribuable dépense à son profit cent sous de moins. Mais la dépense du fonctionnaire se voit, parce qu’elle se fait; tandis que celle du contribuable ne se voit pas, parce que, hélas ! on l’empêche de se faire. « 
Frédéric Bastiat « Ce qu’on voit, ce qu’on ne voit pas. »

Cléa est secrétaire, elle veut refaire une année d’étude supplémentaire en renonçant à une année de salaire.

Elle calcule 2000 € de frais de scolarité. 6 000 € de logement et nourriture. Elle estime donc le coût de son année à 8 000 €. Ce sont en fait les dépenses directes.


Le coût d’opportunité doit intégrer le salaire qu’elle ne va pas gagner pendant cette année : 20 000 € mais il ne doit pas intégrer le coût du logement et de la nourriture qu’elle aurait de toutes manières du dépenser pour vivre.


Le coût d’opportunité d’une année d’étude est donc de 22 000 €.

Les coûts d’opportunité des choix collectifs sont plus difficiles à évaluer car ils sont répartis de manière invisible sur les contribuables.

 

Le président d’une région sauve devant les caméras 10 emplois dans une entreprise en difficulté en l’exonérant de certaines charges. Il a courageusement résisté à l’ultralibéralisme sauvage. La dépense directe pour la région pour sauver ces dix emplois est de 100 000 euros.

Le coût d’opportunité est peut être beaucoup plus élevé que la dépense directe : Ces 100 000 euros seront payés par les autres entreprises plus productives.

Ces entreprises renonceront à embaucher un nouvel employé à cause de cette surcharge. Le coût d’opportunité pour ces 10 emplois ‘sauvés’ est peut être de 12 emplois perdus de manière invisible dans les autres entreprises.