Le droit naturel

Le droit naturel et le libéralisme

Si quelqu’un cherchait à s’informer en écoutant les médias français  (pas de panique, c’est juste une hypothèse hein…), cette personne reviendrait avec une conviction dans le domaine politique :  Le libéralisme est une théorie économique prétendument efficace mais en réalité au service des riches et indifférente à ce qui est juste ou injuste.

Pour avoir une chance de comprendre ce qu’est le libéralisme, deux étapes sont donc indispensables :
a) Tourner le bouton de France Inter sur «  »Off » ».
b) Pousser la porte d’une librairie

Le poussage de porte de librairies suivi du lecturage de philosophes politiques permettrait de découvrir l’inimaginable :

Le libéralisme n’est pas d’abord une théorie économique.

Le libéralisme est d’abord une tradition philophique qui se déploie dans de nombreux domaines, le domaine politique, le domaine du droit… Les conséquences politiques et juridiques se retrouvent bien sûr aussi dans les institutions encadrant l’activité économique, mais parler de ces institutions sans connaître la vision qui les soutient, c’est comme parler de la pointe d’un iceberg en ignorant ou en feignant d’ignorer qu’il y a aussi (beaucoup) de glace sous l’eau..

Sous l’eau, il y a l’affirmation que la raison, même imparfaite, permet d’approcher la connaissance de ce qui est juste. Et que ce qui est juste pour l’Homme, c’est de lui permettre de vivre en société tout en respectant son individualité, sa liberté.

Le cheminement pour parvenir à cette vision va d’Aristote à John Locke en passant par Thomas D’Aquin, Cicéron et Grotius, puis se prolonge au XIX, XX ème siècle par des penseurs libéraux comme Bastiat, Spooner, Ayn Rand,  Rothbard, Bruno Leoni ou Bertrand de Jouvenel.

C’est la tradition du Droit Naturel.

« Le nom de l’Homme règne sur l’humanité présente avec une autorité et une ubiquité écrasantes, et jamais peut être depuis Homère n’a été aussi peu explorée la question qu’il contient. »
Pierre Manent – La cité de l’Homme.

Du 20 novembre 1945 au 1er octobre 1946 se tient à  Nuremberg un procès international jugeant les crimes d’un régime ayant mis à feu et à sang l’Europe et organisé l’holocauste.

Petit problème, sur quelle base juger ces hommes ? Après tout, les exécutants nazis n’ont fait que respecter les lois de l’Etat. On ne peut pas être criminel si l’on respecte les lois de l’Etat non ?

Ben si. On peut. Mais ce n’est pas très tendance de l’admettre chez les étatistes d’hier et d’aujourd’hui.

Depuis la fin du XIX ème siècle, sous l’influence des positivistes, et sur le plan politique des communistes comme des fascistes, la Justice et le Droit ne sont que des notions relatives dépendant de la période historique ou de la classe sociale. Les Etats peuvent donc poser les lois qu’ils veulent.

Staline et Hitler ne sont donc pas des criminels, mais des hommes d’Etat dont la notion du Juste est propre à leur culture, à leur époque ou à leur classe sociale. Personne ne peut donc vraiment se formaliser pour les petits désagréments que provoquent les lois qu’ils instituent…

A Nuremberg, les juristes re-sortent alors de la naphtaline une tradition défendue par les libéraux et enterrée (un peu vite) au début du XX ème siècle. Tradition qui avait servi de fil rouge à toute la philosophie politique de la civilisation occidentale : la tradition du Droit Naturel.

Une tradition qui affirme qu’au dessus des lois posées par l’Etat, il existe une loi naturelle universelle –même imparfaitement connue- d’où découle un certain nombre de règles auxquelles doivent se conformer –même imparfaitement- les lois posées par l’Etat si elles veulent être Justes.
Dans la tradition du Droit Naturel, mettre des hommes et des femmes innocents dans une chambre à gaz est criminel pour n’importe quel Homme raisonnable, quels que soient sa classe sociale, l’époque où il vit, les lois de l’Etat dans lequel il vit. C’est universellement et intemporellement criminel.

Vieille de 2500 ans, la tradition du Droit Naturel n’aura finalement était sortie de la réflexion politique que quelques dizaines d’années par les socialistes et les fascistes avant de faire un retour discret par la fenêtre.
Quelques petites dizaines d’années dans lesquelles se concentrent les plus belles catastrophes politiques de l’histoire de l’humanité.

Ce n’est pas par hasard.

Tradition du droit naturel


La Tradition du droit naturel ne se confond pas avec le libéralisme, certains partisans du droit naturel ne sont pas libéraux, certains libéraux ne se reconnaissent pas dans la théorie du droit naturel mais plutôt dans l’utilitarisme.

Mais l’histoire du droit naturel et celle du libéralisme sont inséparables : c’est la tradition du droit naturel qui a enfanté du libéralisme au siècle des Lumières. Aujourd’hui les théories du droit naturel sont affinées, défendues et revendiquées principalement par des libéraux. On ne peut donc pas comprendre la vision du libéralisme sans connaître la tradition du Droit Naturel.

La théorie moderne libérale du Droit Naturel, c’est l’affirmation que :
 – Il existe un ordre conforme à la nature humaine permettant aux individus de vivre en société sans renoncer à leur individualité et à leur domaine propre.
 – La connaissance de cet ordre ne vient pas d’une révélation ou de la tradition mais de l’usage de la raison sur la nature humaine ou partant d’axiomes incontestables-.
 –  L’usage de la raison étant un effort incertain (et inégalement reparti), la découverte de la loi naturelle ne va pas de soi. Il s’agit d’une connaissance incertaine, perfectible, difficile mais accessible pour peu que l’on soit suffisamment sage, patient, humble…
 –  De cette loi naturelle, on peut déduire un certain nombre de Droits fondamentaux et universels pour chaque individu. Par exemple le droit à la sécurité, à la liberté et de propriété.
 –  Au sommet de cette reflexion, le Droit Naturel est le fruit des millions de jugements pris en conformité avec la loi naturelle, et découvrant petites touches par petites touches un ensemble de règles permettant de vivre harmonieusement ensemble en respectant l’individualité de chacun.
– Cet ordre préexiste à l’Etat. Les lois sont donc légitimes lorsqu’elles sont compatibles avec des règles -le droit naturel- permettant de respecter cette loi naturelle.


« Parce que l’homme est par nature social, la perfection de sa nature inclut la vertu sociale par excellence : la justice. La justice et le droit sont naturels. »
Leo Strauss – Droit naturel et histoire



1955, Alabama. Il y a des lois racistes posées par l’autorité légale.

Ces lois ségrégationnistes ont été mises en place légalement, en respectant les procédures, par des autorités légitimes, démocratiquement élues.

Rosa Parks, couturière de 42 ans, est une délinquante : en décembre 1955, elle refuse d’obéir à la loi. Elle refuse de laisser sa place assise à un blanc dans le bus. Elle est donc arrêtée et punie d’une amende de 10$. Celle qui est « restée debout en refusant de se lever » va être le symbole du mouvement des droits civiques contre les lois ségrégationnistes.

Martin Luther King, 26 ans, est un pasteur, il connaît donc ses gammes théologiques. Parmi les belles touches, il y a l’un des plus grands théologiens de l’histoire du christianisme : Thomas d’Aquin. Ce dernier, au lieu d’opposer la raison et la révélation, les a marié. Dans la dot des jeunes mariés, il y a un cadeau venant du côté de la raison, une réflexion des penseurs grecs classiques (Aristote en particulier) sur la loi naturelle de l’homme.

Perché sur l’épaule de géants classiques, Martin Luther King bâtit le socle moral du mouvement des droits civiques (et les beaux discours qui vont avec) .

 « La réponse repose sur le fait qu’il existe deux catégories de lois : celles qui sont justes et celles qui sont injustes. Je suis le premier à prêcher l’obéissance aux lois justes. L’obéissance aux lois justes n’est pas seulement un devoir juridique, c’est aussi un devoir moral. Inversement, chacun est moralement tenu de désobéir aux lois injustes. J’abonderais dans le sens de Saint Augustin pour qui « une loi injuste n’est pas une loi ».
…/… Pour le dire dans les termes qu’emploie saint Thomas d’Aquin, une loi injuste est une loi humaine qui ne plonge pas ses racines dans la loi naturelle et éternelle. Toute loi qui élève la personne humaine est juste. Toute loi qui la dégrade est injuste. Toute loi qui impose la ségrégation est injuste car la ségrégation déforme l’âme et endommage la personnalité. Elle donne à celui qui l’impose un fallacieux sentiment de supériorité et à celui qui la subit un fallacieux sentiment d’infériorité. »

Martin Luther King – Pourquoi nous ne pouvons attendre.

Philosophie ou révélation ?


La loi naturelle, le droit naturel, la nature de l’être humain, ne sont pas des concepts religieux. En l’occurrence, ils sont nés dans l’antiquité grecque sans aucun lien avec son panthéon si rigolo.

Ils ont ensuite été développés chez les romains avant d’être effectivement repris par le christianisme puis à nouveau laïcisé au siècle des Lumières.

En  d’autres termes, la loi naturelle comme le droit naturel est passé par ici, il est passé par là, mais il n’est pas né avec les monothéismes et s’en passe depuis le siècle des Lumières.

Ces concepts viennent donc d’abord de la philosophie classique grecque. Ils sont le fruit de l’usage de la raison sur la nature des choses.

A contrario, le travail des théologiens est de faire usage de la raison, non pas sur la nature des choses, mais sur un texte saint, sur une révélation.

Cela ne veut pas dire que le fruit de ces deux travaux s’opposent, des philosophes croyants ont mariés les deux habilement.

Certaines prescriptions du judaïsme comme du christianisme ressemblent comme deux gouttes d’eau à celle du droit naturel mais le papa et la maman du droit naturel, c’est la philosophie et la raison. Pas la religion et la révélation.

“Aussi illimité que soit le pouvoir de Dieu, on peut dire cependant qu’il existe certaines choses sur quoi Son pouvoir ne s’étend pas… de même que Dieu ne peut faire que deux fois deux ne fassent pas quatre, Il ne peut faire que ce qui est intrinsèquement mauvais ne le soit pas”
Hugo Grotius – De iure belli ac pacis

“[…] même si Dieu n’existait pas ou n’utilisait pas Sa raison ou ne jugeait pas droitement des choses, dans la mesure où l’homme pourrait toujours se guider d’après les commandements de la droite raison, sa loi serait toujours d’une nature semblable à ce qu’elle est aujourd’hui”
De Francisco Suarez (Thomiste de l’Ecole de Salamque), De legibus ac Deo legislatore

« L’homme ne peut vivre sans lumière, sans guide, sans connaissance : ce n’est que parce qu’il le connait qu’il trouve le bien dont il a besoin.
La question fondamentale est donc de savoir si les hommes peuvent acquérir cette connaissance du bien, sans laquelle ils ne peuvent guider leur vie individuelle ou leur vie sociale, par les seuls efforts de leurs facultés, ou s’ils doivent s’en remettre pour cela à la révélation divine. »
Leo Strauss – Droit naturel et histoire
 
« Il est inutile de nous provoquer avec vos idées bourgeoises de liberté, de culture, de droit, etc. Vos idées sont elles-mêmes les produits du système bourgeois de production et de propriété, tout comme votre droit n’est que la volonté de votre classe, érigée en loi ; et il n’y a rien d’autre dans cette volonté que les nécessités matérielles de votre classe »
 (Marx et Engels)

 

Le mot « scolastique » ne fait pas gagner tant de points que ça au scrabble malgré son aspect rugueux, mais son utilisation permettra à coup sûr de larguer 99% de son auditoire dans les diners en ville comme au MacDo.

Si vous faites partie du 1% qui peut mâcher un Mc Bacon en parlant de théologie médiévale, vous savez déjà que la scolastique est une méthode dialectique des études religieuses, une systématisation de la classification des textes sacrés… Une sorte de Norme ISO9001 de la méthode de travail dans l’analyse des textes sacrés.

Dialectique est aussi un mot compliqué dont vous ignorez peut être le sens mais bon on va pas y passer la page entière. De toute manière au MacDo comme au diner en ville, rien ne vous oblige à comprendre tous les mots que vous employez, du moment que vous les employez avec assez d’assurance.

Bref, la seconde scolastique est portée par Thomas d’Aquin et poursuivie par ses disciples notamment à l’Ecole de Salamanque… Thomas d’Aquin actualise (ou christianise) la pensée d’Aristote. Il récupère une large partie de la réflexion d’Aristote sur la justice et la nature de l’homme puis rajoute une couche chrétienne : la Grâce. Au dessus de la nature humaine et de la cité permettant à cette nature humaine de se déployer, il y a donc la révélation Divine et la Grâce. La loi divine domine bien sur la loi naturelle (figurez vous que Saint Thomas d’Aquin est catholique) mais elles n’entrent pas en conflit. La révélation n’est pas l’ennemi de la raison.

Comme tout les bons remixes, « Somme théologique » permet à nos ancêtres les médiévaux, non seulement d’apprécier le nouveau tube, mais de redécouvrir le morceau original… la philosophie d’Aristote et de la loi naturelle.

Comme tous les bons remixes, il arrive au bon moment : le droit naturel apparait comme une parade contre la montée de l’absolutisme qui débute partout en Europe.

Comme tous les bons remixes, il lancera une nouveau mouvement. L’École de Salamanque s’appuyant sur Thomas d’Aquin développera pendant 200 ans une réflexion d’une grande richesse autour du droit naturel et de son respect.

Réactionnaire ou pas ?

En entendant le terme « droit naturel », l’autre réflexe immédiat est de le classer dans les niaiseries assez vieille droite entre « droit de cuissage » et « sexe des anges ».

Un truc de réactionnaire obsolète à des années lumières de la vigoureuse pensée postmoderne dans lequel nous baignons tous avec bonheur : l’esprit Canal sans prise de tête mais avec les tabous en acier du coolinisme politiquement correct.

Ben non, aujourd’hui comme hier, le droit naturel n’est pas un truc de réactionnaire.
Il s’oppose au code de lois des réactionnaires, code de lois indiscutables parce qu’il vient des ancêtres et les ancêtres ont toujours raison même quand ils ont tort.

Et il s’oppose aux progressistes socialistes avec leurs lois informes et caoutchouteuses réinventées tous les deux jours sans considération pour la Justice afin de forcer la marche vers leur société parfaite.

Le droit naturel est lui basé sur une idée de justice universelle et de la nature humaine, idée humblement et lentement découverte par l’usage de la raison.

Les partisans du droit naturel se retrouvent donc coincés entre les réactionnaires et les progressistes socialistes.
Tiens, c’est aussi la place des libéraux…
Cela n’est pas grave… Ce n’est pas comme s’ils allaient se disputer l’espace : les libéraux et les partisans du droit naturel sont souvent les mêmes.

« Et tout d’abord l’assentiment général n’est en aucune façon une condition nécessaire à l’existence du droit naturel.
Les maitres les plus éminents ont affirmé que, précisément parce que le droit naturel est rationnel, sa découverte présuppose l’exercice de la raison et qu’il ne peut, pour ce motif, être connu universellement. »
Leo Strauss Droit naturel et histoire
« Rejetez donc ces parasites subventionnés, qui vivent au profit de l’esprit des autres et proclament que l’homme n’a nul besoin de moralité, de valeurs, de code de conduite. Eux qui se prétendent scientifiques et claironnent que l’homme n’est qu’un animal, le considèrent pourtant moins comme un élément de la nature soumis comme tel à ses lois, que le moindre des insectes.
 Ils reconnaissent que chaque espèce vivante possède un mode particulier de survie propre à sa nature, ils ne prétendent pas qu’un poisson puisse vivre hors de l’eau ou qu’un chien puisse survivre sans son odorat; mais l’homme, le plus complexe des êtres, peut survivre, selon eux, de n’importe quelle manière; l’homme n’a pas d’identité, pas de nature, ../…. »
Ayn Rand – Atlas Shrugged

La notion de droit naturel a disparu du discours public en quelques générations. Pourtant, elle a été la colonne vertébrale de la philosophie politique en Occident pendant deux millénaires.

La Déclaration des Droits de l’Homme de 1789, aboutissement moderne de cette tradition, est d’ailleurs truffée de références au Droit Naturel.

Les réactionnaires s’opposeront à la tradition du Droit Naturel justement à cause de son aspect révolutionnaire.
Pour les réactionnaires, les Hommes ont d’abord besoin de vivre en paix, donc dans une société où l’ordre n’est pas contesté. Cet ordre est lié à chaque culture.
La tradition doit être respectée car elle permet à chacun de connaître sa place, sans conflit ou amertume inutile.

Or affirmer qu’il existe une nature humaine et un Droit Naturel, étalon de mesure de la justice des lois et des institutions, c’est potentiellement vouloir modifier ces institutions pour qu’elles s’y conforment.

C’est mettre le trouble dans le cœur des hommes, les pousser à contester l’ordre établi, les inciter à la guerre civile, ce qui n’est finalement souhaitable pour personne.

On ne peut pas donner tort aux réactionnaires : le droit naturel est corrosif, potentiellement explosif…

Les traditions, les institutions d’une civilisation atteinte de ce virus sont en permanence scrutées, évaluées par la raison, contestées, modifiées..

De quoi produire de belles catastrophes, mais aussi de mettre en marche l’Histoire.

Vivre dans une société où l’objectif n’est plus de préserver les institutions telles que les ancêtres les ont conçues, mais au contraire de les faire tendre vers un idéal à venir, c’est vivre dans une société insatisfaite, instable, gémissante devant sa propre imperfection… mais c’est aussi une société changeante, créative, dynamique…

La fusée droit naturel

Les partisans du droit naturel pensent donc :

Étage 1) La raison est un outil capable de connaître des propositions universellement vraies. Cela ne veut pas dire que tout le monde, tout le temps accède à des propositions universellement vraies… c’est même plutôt le contraire, la raison n’étant pas infaillible ni répartie également… Cela veut dire que cette tentative est possible.

Étage 2) Non seulement la raison peut connaître des trucs vrais, mais en plus ça tombe bien, il y a des trucs vrais à connaître, en particulier sur la nature de l’Homme. Et sur la loi naturelle, c’est-à-dire un ordre intemporel et universel souhaitable et conforme à la nature de l’Homme. Par exemple (je dis -presque- n’importe quoi) « la nature de l’Homme est d’éviter la mort violente »; « La nature de l’Homme est de vivre en société. »

Étage 3) On peut déduire de cette loi naturelle ou de la nature de l’Homme un certain nombre de droits naturels de l’Homme. (Droit à la sécurité, droit à la propriété)

Étage 4) A partir de cette connaissance, même approximative, même à affiner, des jugements permettent de régler les conflits au cas par cas. De cette infinité de jugements émerge un droit naturel qui peut être variable selon les cultures ou les époques mais qui respecte la loi naturelle, c’est-à-dire qui respecte l’autonomie de l’individu tout en lui permettant de vivre en société. Par exemple « Puisque l’Homme a droit à la sécurité, alors il est interdit rouler sur un individu avec un 4*4 » ou « Puisque l’Homme a droit à la sécurité, il est interdit de marcher sur un individu avec un chameau ».

Étage 5) La dernière « couche », étant donc la loi posée par les Etats. La loi posée par les États, loi positive, doit se conformer au Droit Naturel pour être une loi juste.

Il y a donc cinq étages.
Les débats qui ont eu lieu à chaque étage de ce raisonnement remplissent des bibliothèques entières… Et ils vont probablement encore remplir des TetraOctets de mémoire optique quantique tetradimensionnelle en silicium jupiternien dans les prochains siècles.

« Toute doctrine du droit naturel prétend que les fondements de la justice sont accessibles à l’homme en tant que tel.
C’est donc supposer que cette vérité fondamentale peut être accessible. »
Leo Strauss – Droit naturel et histoire
« La rationalité est la vertu fondatrice de l’homme, la source de toutes ses autres vertus. Le vice fondamental de l’homme, la source de tous ses maux, est l’acte de ne pas concentrer son esprit, de « suspendre » sa conscience, c’est-à-dire non d’être aveugle, mais de refuser de voir ; non d’être ignorant, mais de refuser de savoir. L’irrationalité est le rejet du moyen de survie de l’homme, et, par conséquent, un engagement dans la voie de l’autodestruction. Ce qui est contre l’esprit est contre la vie. »
Ayn Rand – L’Objectivisme

Les termes : droit naturel, loi naturelle, Droits naturels, état de nature, nature humaine ont été utilisés pendant plus de 2500 ans…  Du temps pour changer de définition selon les périodes, les auteurs… et les commentateurs des auteurs selon les périodes et les commentateurs des commentateurs selon… Ça en fait des combinaisons possibles.
Grosso modo, il y a :

Loi naturelle : historiquement, on commence par là. Les Grecs classiques expliquent qu’une société doit tendre vers un ordre souhaitable et naturel : des sages vivants en harmonie cherchant la vertu.

Droit naturel : règles qui permettent de respecter cette loi naturelle. En gros, les multiples déclinaisons sur les milliers de situations d’une vie en société :  ne pas tuer, ne pas voler, rendre à chacun ce qui lui est du, respecter sa parole…  Cette ensemble de règles porte aussi le doux nom de jusnaturalis de l’Empire Romain jusqu’au siècle  des Lumières.

État de nature : état fictif dans lesquels les hommes vivaient avant l’apparition de l’État. Cet outil conceptuel utilisé surtout à partir du siècle des Lumières pour éclairer les raisons de l’existence de l’État (Hobbes, Locke, Rousseau) : les tares présumées de cette situation fictive justifiant le contrat social à l’origine de l’État.

Droits naturels (à ne pas confondre avec le droit naturel). Idée marketing de génie, les droits c’est plus sympa que les obligations. Les philosophes des Lumières (libéraux) font basculer explicitement la source du droit naturel, non pas dans les relations entre individus mais dans des droits attachés à chaque à l’individu lui-même.

Ce changement est vu par certains partisans du droit naturel classique comme un basculement regrettable et inutile… La porte ouverte aux droits créances, à l’individualisme forcené…

Pour beaucoup de libéraux, il s’agit d’une évolution, commencée dès Thomas d’Aquin, sans doute même dès l’Empire Romain et Cicéron. Une évolution souhaitable et utile de surcroit. Une base plus solide et plus universelle qu’une loi naturelle.

Adversaires du droit naturel.

Le droit naturel a de nombreux adversaires.

D’abord les utilitaristes, (y compris libéraux comme Bentham ou Mill) pour qui la qualité des institutions doit se juger à leur utilité (et non à leur respect de la justice).

Et l’utilité pour les êtres humains, c’est le bien être.

Le problème c’est que l’utilité d’un serial killer n’est pas la même que celle d’un altruiste. Et sans réflexion sur ce qui est juste en dehors de toute utilité, on voit mal pourquoi favoriser l’un plutôt que l’autre. D’autant que c’est impossible à quantifier (Mettez sur une échelle de 1 à 10 le plaisir ressenti par le serial killer avec le plaisir ressenti par l’altruiste…)  Et que cela se complexifie encore lorsqu’il s’agit de trouver une utilité moyenne (Sur une île, dix sadiques ont plus de plaisir que le déplaisir de trois victimes, donc la torture doit être légale, elle maximise le bien être dans la société. C’est la vie bonne !)
L’utilitarisme, malgré de nombreuses tentatives sophistiquées pour échapper à certaines de ses conséquences, revient à son point de départ : sans une réflexion sur ce qui est juste, l’utilité est parfaitement compatible avec des sociétés cauchemardesques.

L’autre grand mouvement hostile au droit naturel est le scepticisme dont la branche comtemporaine, le postmodernisme, est la plus influente.
Pour les postmodernes, la raison est incapable d’arriver à une idée de la justice universelle, il n’y a que des justices particulières, selon les cultures, les ethnies, les sexes, les classes sociales etc… Justices incompatibles, cherchant à se dominer les unes, les autres.  La modernité, l’idée d’une raison universelle ne sont selon eux que les caractéristiques d’une culture -occidentale, bourgeoise, blanche etc..- ayant malheureusement dominée toutes les autres.

Cela donne le fameux politiquement correct et toutes ses joyeusetés.

Ces discours sont aujourd’hui ultradominants, même si dans les faits nous vivons encore en partie sur l’héritage du droit naturel et des Lumières -en oubliant ce que nous leur devons-.

« Une autre critique fréquente est que les théoriciens de la loi naturelle ne sont pas d’accord entre eux et qu’il faudrait par conséquent rejeter toutes leurs théories. C’est une critique particulièrement mal venue quand, comme c’est souvent le cas, elle est le fait d’économistes utilitaristes. En effet, s’il est une science controversée, c’est bien l’économie politique et pourtant, cela ne conduit que peu de gens à réclamer qu’on la jette toute entière au panier. De plus, le fait qu’il existe des divergences d’opinions n’est pas une raison suffisante pour rejeter toutes les opinions en cause ; l’attitude responsable consiste à se servir de sa raison pour examiner les diverses thèses et se faire sa propre opinion. On ne peut pas dire a priori : “il n’y en a pas une pour racheter l’autre”. L’existence de la raison humaine n’implique pas que l’erreur soit impossible. « 
Murray Rothbard – L’Ethnique de la liberté

La loi naturelle n’est pas un corpus fermé, gravé dans le marbre. C’est un périmètre de recherche en évolution constante, avec certaines zones désormais stables et consensuelles, et d’autres parties fracturées par des positions visiblement irréconciliables.

Comme dans d’autres champs de recherche, les légalistes ou les philosophes du droit naturel n’ont pas la prétention d’avoir atteint une vision définitive de ce qu’est la loi naturelle de l’homme et de ce qui en découle.

Ils tentent encore et encore de discerner les bonnes procédures, les axiomes ou les observations sur la nature de l’Homme, sur les droits (et/ou les devoirs) qui en découlent, et les institutions qui permettent de protéger ces droits.

Le résultat est davantage un tableau  pointilliste d’où émergent certaines tendances qu’une table des lois en 40 paragraphes définitifs.  

Ce joyeux désordre fait beaucoup ricaner les adversaires du droit naturel, les utilitaristes, les sceptiques, les postmodernistes… « Voyez, vous dites qu’il y a une loi naturelle et vous n’êtes même pas capables entre vous d’en figer une vision. »

Le fait que plusieurs théories s’opposent sur plusieurs points se retrouve dans de nombreux domaines : l’astronomie, la biologie, les mathématiques, les sciences humaines… cela ne veut pas dire qu’aucune vision n’est la bonne, ni surtout que les étoiles ou les cellules n’existent pas. Ce n’est pas parce que certains affirment que 2+2 = 5 que 2+2 n’égale pas 4, ni que cela ne vaut pas la peine de chercher.

D’autant que les objections des ricaneurs sont truffées d’incohérences ou de désaccords.

Entre partisans du droit naturel et opposants, rira bien qui rira le dernier.

Bienvenu dans le grand cirque des partisans et adversaires du droit naturel, avec ses clowns de la pensée, ses magiciens de la logique, ses contorsionnistes métaphysiques, ses tueurs de syllogismes, ses trapézistes en haute voltige conceptuelle, ses dompteurs d’idées sauvages…


Etage 1 : La raison, une illusion ?


Avant de même de savoir s’il existe une nature humaine et quels sont les droits qui permettent de la respecter, il faut d’abord être convaincu que la raison est un instrument assez fiable pour la connaître… Après tout, si une nature humaine existe mais qu’on ne peut pas la connaître, cela ne sert à rien de se tracasser…

Et il se trouve que tout le monde n’est pas convaincu que la raison permette de connaître quoi que ce soit. En particulier quelque chose sur la nature humaine.

Il y a les douteurs de la raison niveau 1. Kant. Nous sommes coupés à jamais de la réalité par nos sens ou les catégories de notre esprit. La raison permet toutefois de s’assurer de la cohérence interne de nos raisonnements.

Les douteurs de la raison niveau 2 : Hume et dans sa foulée la sociologie. La raison est l’esclave de nos passions. Elle peut éventuellement nous permettre de déterminer le meilleur moyen d’arriver à nos fins (par exemple comment respecter la loi naturelle une fois que nos passions se sont fixées sur une loi naturelle), mais elle est incapable de déterminer nos « meilleures » fins (la loi naturelle). Seules nos passions, nos sentiments les déterminent.

Les douteurs de la raison niveau 3 : Marxisme, Historicisme. La raison n’est pas même l’esclave de nos passions, parce que nous n’avons pas nos propres passions, mais les passions de notre culture, de notre période historique, de notre classe sociale dont nous sommes prisonniers.

Les douteurs de la raison niveau 4 : Postmodernisme :  C’est une prétention de croire que l’homme peut raisonner, il se contente d’asséner des propositions sans queue ni tête, même en logique formelle.

« Disons plus généralement qu’il ne peut y avoir de droit naturel si la pensée humaine est incapable d’acquérir dans un domaine limité de sujets spécifiques une connaissance authentique et universellement valable. »
Leo Strauss –  Droit naturel et histoire

 

Emmanuel Kant est rationnel, intelligent et croyant. Avocat des Lumières et la modernité il va paradoxalement ouvrir les portes du postmodernisme. Il pousse la critique de la raison plus loin que tous les sceptiques avant lui.

Les sceptiques avant lui avaient un discours qui ressemblait à ça : la raison a desgros défaut, elle n’est sans doute pas capable de connaître la réalité. Lui, le premier dira : la raison n’est en aucun cas, et dans aucune circonstance capable de connaître la réalité. Elle peut simplement s’assurer de la cohérence de nos propres pensées… pensées coupées définitivement et à jamais d’une réalité extérieure objective et universelle.
Pas de réalité objective et universelle, donc pas de droit naturel basé sur l’observation de la nature.

Kant explique en effet que notre esprit n’est pas une page blanche sur laquelle la réalité vient se projeter, mais au contraire un milieu façonné par la structure de notre esprit recevant de surcroît des informations déformées par nos sens.

Tout ceci arrange finalement bien Kant, le croyant : si la raison ne peut pas connaître la réalité, Dieu peut parfaitement se glisser dans cette réalité fermée à la raison.
Certes, mais pourquoi faudrait-il que notre esprit soit un écran blanc pour connaître la réalité ? Après tout, les physiciens connaissent leurs instruments, y compris les distorsions. Et on peut « redresser » les mesures pour tenir compte de ces déformations…

Cela étant, si Kant s’oppose aux fondements du droit naturel dans l’observation de la nature, il initie la tentative de le fonder sur des principes à priori, c’est-à-dire sur des axiomes irréfutables, tentative reprise trois cents ans plus tard par Nozick.

Etage 1 :  Connaissance et Raison


 La raison est-elle une fonction cognitive efficace pour guider nos actions ou pas ?

La raison est-elle capable de fonctionner de manière autonome par rapport à la culture, la classe sociale, l’identité sexuelle, etc.. pour atteindre des vérités universelles ?

Les partisans du droit naturel répondent oui à ces deux questions.

Attention, il ne s’agit pas d’un culte déraisonnable à la raison ne laissant aucune place à l’émotion, aux sentiments ou à la foi : un scientisme délirant. Il s’agit d’affirmer que sur des périmètres donnés de la connaissance, la raison est un outil irremplaçable, efficace et prépondérant.

La connaissance doit-elle se baser sur l’expérience, sur l’observation de la nature -au risque d’être troublée par nos sens- ou sur la logique pure -au risque d’être inopérante dans la monde réel- ?

Cette dernière question, dépassant largement le cadre de la philosophie politique, divise aussi les partisans du droit naturel entre ceux qui fondent le droit naturel sur l’observation de la nature de l’homme (Locke, Rothbard) et ceux qui le fondent sur des axiomes irréfutables (par exemple : pour argumenter, il faut être un individu doté du langage) (Kant, Nozick).

« La raison seule ne suffit donc pas à l’homme pour se conduire; il faut qu’il acquière par sa raison les connaissances qui lui sont nécessaires, et que par sa raison il se serve de ces connaissances pour se conduire dignement, et pour se procurer les biens dont il a besoin.
L’ignorance est l’attribut primitif de l’homme brut et isolé; dans la société elle est la plus funeste infirmité des hommes; elle y est même un crime, parce que les hommes étant doués d’intelligence doivent s’élever à un ordre supérieur à l’état de brutes; elle y est un crime énorme par son délit, car l’ignorance est la cause la plus générale des malheurs du genre humain et de son indignité envers l’Auteur de la nature, envers la lumière éternelle, la suprême raison et la cause première de tout bien. »
François Quesnay – Le Droit Naturel

« La rationalité est la vertu fondatrice de l’homme, la source de toutes ses autres vertus. Le vice fondamental de l’homme, la source de tous ses maux, est l’acte de ne pas concentrer son esprit, de « suspendre » sa conscience, c’est-à-dire non d’être aveugle, mais de refuser de voir ; non d’être ignorant, mais de refuser de savoir. L’irrationnalité est le rejet du moyen de survie de l’homme, et, par conséquent, un engagement dans la voie de l’autodestruction. Ce qui est contre l’esprit est contre la vie. »
Ayn Rand – Qu’est ce que l’objectivisme ?

Après Kant et Hegel, une deuxième vague allemande s’attaque à la raison.
Kant pensait que la raison était incapable de connaître la réalité. La nouvelle vague en rajoute une couche : non seulement on ne peut pas la connaître, mais, eux savent tout de même qu’elle est absurde, chaotique.

La raison, c’est un truc pour les faibles qui ont peur de voir cette réalité en face.
Ces tapettes des Lumières et leur petite raison dérisoire ont en plus réussi à castrer l’Homme de ce qui lui permettait de naviguer dans cet océan de non-sens.

La foi pour Kierkegaard pour qui il faut crucifier la raison. Fermer sa pensée et obéir à Dieu…  Abraham accepte de sacrifier son fils à Dieu, c’est le sommet du courage. Obéir à une décision absurde, oui, mais qui vient du Dieu… voilà le salut.

La non-existence pour Schopenhauer. La seule de chose de vraie devant tout ce désordre, c’est que la non-existence est préférable à l’existence, nous explique ce dernier qui décide tout de même d’exister et en plus de se donner la peine d’écrire des livres. En raisonnant de surcroît. C’est pas grave, si tout est absurde, pourquoi faudrait-il que Schopenhauer soit le seul cohérent ? Ca ferait tache.

L’instinct pour Nietzche. Nietzche lui aussi n’aime pas du tout la foi et la raison. Il raisonne donc longuement pour nous expliquer que celle-ci a castré l’homme de son énergie vitale. Au lieu de chercher bêtement des liens de cause à effet, le Surhomme doit suivre son élan vital, son instinct, sans chercher à se mentir sur l’absurdité du monde ou à bâtir des constructions intellectuelles fantaisistes pour avoir moins peur. Ce discours viril plaît beaucoup aux ados rebelles lorsqu’ils décrochent de leur dernière partie de FPS.

Pour les partisans du Droit naturel fondé sur la raison, ces épais ouvrages ne remettent finalement pas tellement en cause le socle sur lequel est bâti le Droit naturel. Il est dans la nature de l’Homme de vivre, d’être libre et de raisonner, ce que font d’ailleurs copieusement Schopenhauer et Nietzche.
Mais bon ces petites remarques mesquines rabaissent l’exécution définitive et tonitruante de la raison en simple mal de mer incontrôlable sur l’océan des inconnus.

Mal de mer, le surhomme ? Fait gaffe à ta gueule à la sortie !

Le mal de mer va hélas se propager sur le plan théorique au XX ème siècle jusqu’à dominer totalement une large partie des sciences humaines et politiques avant de passer aux travaux pratiques avec effectivement une hostilité marquée pour la vie, la liberté et la raison.

Etage 1 : Le postmodernisme

La modernité et le libéralisme sont les deux frères jumeaux du siècle des Lumières. La raison triomphe de la superstition, l’individu du collectivisme féodal. Les modernes divergent sur beaucoup de choses mais tous sont d’accord pour considérer que la raison est l’outil efficace pour comprendre le monde.

D’ailleurs, le premier adversaire du libéralisme, le communisme, veut encore battre ce dernier sur son terrain : celui de la raison.
Le communisme se veut d’abord scientifique. Mieux capable d’organiser la production et la société que la main invisible du libéralisme.
Un siècle plus tard, sur le terrain de la théorie comme de l’expérience, le communisme est battu à plate couture. Les économistes libéraux expliquent pourquoi une économie centralisée sera forcement moins efficace qu’une économie libérale dans laquelle les prix transmettent l’information, tandis que les Russes font la queue pour un rouleau de papier toilette et trois bananes.

Devant ce KO debout, les adversaires du libéralisme ne veulent plus jouer sur le terrain de la raison et de l’expérience : « le libéralisme, il gagne tout le temps, c’est pénible à la fin. »

Un mouvement de fond venu de l’extrême gauche s’attaque à l’héritage des Lumières. L’objectivisme basé sur la raison et l’expérience est remplacé par le subjectivisme culturel. La raison est un mythe, l’harmonie un masque cynique de la domination, la vérité une chimère.

Le postmodernisme et le politiquement correct, sa branche activiste, sont une attaque en règle contre les fondements du libéralisme et de la modernité. Une attaque d’une violence et d’une arrogance assez paradoxale compte tenu du relativisme tout azimut proposé par ses petits soldats.

« La vie de l’homme, en accord avec sa nature, n’est pas la vie de la brute décérébrée, du voyou saccageur, ou du mystique chapardeur. C’est la vie d’un être pensant, qui s’entretient non par la force et la fraude, mais par l’usage de ce qu’il y a de plus haut et de plus efficace à cette fin : la raison. »
Ayn Rand – Atlas Shrugged

Au XX ème siècle, c’est un feu d’artifice contre la raison.
Heidegger le nazi pas nazi mais un peu quand même ouvre le bal. Les mots, les concepts et la raison sont incapables de penser l’être, le non-être, le tout, le rien, le vide à côté de l’être. Bref, sur les sujets sérieux la raison aboutit à des contradictions insolubles, la raison doit donc être écartée. La raison, c’est une façon superficielle de penser. Tant mieux, nous avons en nous des trucs beaucoup plus efficaces : l’ennui, le cafard, l’angoisse. En se laissant flotter entre deux (trois, quatre..) eaux troubles, les choses contradictoires ne le seront plus. Le Tout est le Rien, Le Rien est le Tout. Pic et pic et colegram, bourre et bourre et ratatam tout se mélange dans le brouillard. En 30 ans d’études, Heidegger atteint une vérité que certains poivrots mettent parfois trois, quatre litrons à atteindre.

Cette façon de penser subjugue Derrida, Foucault, Lyotard, Rorty,  même si le côté métaphysique fait un peu niais dans les années 50, 60 chez les universitaires bien pensants. On continue donc de « déconstruire » le langage, la science, puis même la logique formelle –à grand renfort de langage, de raison et de logique d’ailleurs-. Et une conclusion scientifique et objective s’impose : tout est subjectif sauf cette conclusion pour des raisons… euh non pas pour des raisons… Reprenons, tout est subjectif sauf cette conclusion parce que parce que.

Il n’y a pas la Vérité, il y a des vérités dépendant des sentiments, sentiments qui viennent du groupe économique, social, sexuel, racial…
La raison accédant à une quelconque vérité est morte et enterrée. Il n’y a que des groupes culturels autistes entre eux aux intérêts opposés.

L’idée d’un droit naturel, l’idée d’une justice universelle commune à tous les hommes est aussi prétentieuse que pitoyable. D’ailleurs la philosophie occidentale de Platon à Locke en passant par Aristote et Descartes est une immense bouffonnerie… ou pire un truc de mâle blanc occidental hétérosexuel bourgeois chrétien dominant rationaliste et mort.

Car dans cet univers ultra-relativiste, une deuxième chose reste objective : les trucs de mâle blanc occidental hétérosexuel bourgeois chrétien, dominant, rationaliste et mort, c’est mal.

« La raison est le langage ultime de la folie. »
Michel Foucault.

Etage 2 : La nature


La « nature » de droit naturel ne fait pas référence à la nature, les petits zoizeaux, le shampoing à la camomille, la jungle ou l’herbe verte, mais à la nature de quelque chose.

« Nature : ensemble des caractères fondamentaux propres à un être ou une chose » comme dit si bien un gros livre un peu ennuyeux à lire de A à Z mais si pratique pour comprendre une langue.

La nature d’un pont est par exemple d’enjamber un obstacle.
La nature humaine est beaucoup plus compliquée à définir que la nature pontaine. Beaucoup d’ailleurs affirment, soit qu’elle n’existe tout simplement pas, soit qu’elle est totalement dominée par la culture.

A contrario, pour les défenseurs du droit naturel, par delà les cultures, les périodes historiques, les trajectoires personnelles, il existe un certain de nombre de choses communes à tous les êtres humains.

Il existe une nature humaine.

« Je veux parler de la loi particulière et de la loi commune. La loi particulière est celle que chaque collection d’hommes détermine par rapport à ses membres, et ces sortes de lois se divisent en loi non écrite et en loi écrite.
La loi commune est celle qui existe conformément à la nature. En effet, il y a un juste et un injuste, communs de par la nature, que tout le monde reconnaît par une espèce de divination, lors même qu’il n’y a aucune communication, ni convention mutuelle. »
Aristote – Rhétorique

« Le sociologue  qui observe les diverses sociétés, ne peut comme savant, attribuer de valeur aux valeurs; il ne peut donc hiérarchiser les sociétés, même s’il doit savoir observer et décrire de quelle manière chacune d’elles distribue ses propres valeurs et se rapporte à elles. Il doit comprendre les valeurs de la société qu’il étudie, tout en s’abstenant scrupuleusement du moindre « jugement de valeur ». Telle est, simplement résumée, la conception de Weber, aujourd’hui largement dominante dans les sciences sociales et humaines. »
Pierre Manent – La cité de L’homme.

L’idée d’une nature humaine n’est vraiment pas un truc cool à dire dans un congrès de sciences humaines.

Nier l’existence d’une nature humaine aujourd’hui est un critère pour prétendre à la rigueur scientifique en sciences humaines… Un critère ou une petite pudibonderie hypocrite ?
Les sociologues dans la lignée de Max Weber refusent en effet catégoriquement l’idée d’une nature humaine.
Tout est culturel.
La raison permet simplement de présenter les différentes cultures et représentations, mais sans jamais se prononcer sur une quelconque conformité avec une fin, avec une nature humaine.

La raison n’a rien à dire entre une culture qui propose de crever les yeux des nourrissons et d’immoler leur mère et celle qui soigne les nourrissons et leur mère.
C’est juste un choix. Les sciences humaines, s’appuyant sur la raison, sont incapables d’affirmer que l’une est plus conforme à la nature humaine que l’autre. La sociologie peut éventuellement commenter l’adéquation des moyens mis en œuvre pour atteindre une fin (est-ce que cette culture permet effectivement de crever les yeux des nourrissons avec assez d’efficacité ?)  mais en aucun cas d’en juger la conformité à un étalon mesure universel.

Ca c’est pour la théorie que certains sociologues tentent de suivre avec rigueur (tiens, pourquoi d’ailleurs ? la rigueur est-elle supérieure à l’absence de rigueur ?) Beaucoup d’autres pourtant ne restent pas longtemps dans la voie qu’ils se sont fixée. Bizarrement beaucoup de sociologues partagent fréquemment les mêmes opinions politiques et sont même souvent très virulents pour augmenter le périmètre de l’Etat de façon à construire une société se conformant à leurs opinions. De là à dire qu’ils font appel à leur vision de la nature humaine, vision qu’ils auraient placée au-dessus de celle des autres… Mais sans le dire ces gros timides.

La volonté de nier l’existence d’un étalon mesure connaissable par la raison pour juger de la justice d’une société ne serait donc pas qu’une position épistémologique elle-même contestable, mais une petite arme politique pour nier l’existence de toutes les autres visions d’une nature humaine tout en imposant discrètement la sienne ni vu, ni connu, pas vu, pas pris.

Qu’est ce qu’ils sont malins, ces sociologues ou en tout cas au moins le milieu culturel dans lequel ils baignent.

Etage 2 : La nature pontaine


Le fait qu’il y a une nature pontaine ne signifie pas que tous les ponts la respectent.
Il peut y avoir des ponts « malades », un gros trou au milieu du tablier.
Il peut y avoir des ponts mal conçus : un pont dont le tablier vibre dangereusement au passage des véhicules.

Toujours est-il que le métier d’un ingénieur consiste à corriger le pont pour que celui-ci soit conforme à sa nature de pont. Le fait que des ponts s’éloignent de leur nature n’est en aucun cas la preuve que la nature pontaine n’existe pas.

De même la nature d’un poumon est de collecter l’oxygène de l’air pour le donner à l’organisme.
Mais certains poumons sont mal formés, d’autres sont atteints d’un cancer. Le métier de pneumologue est de faire en sorte que les poumons se conforment à leur nature pulmonaire. Là encore le fait que certains poumons s’éloignent de leur nature pulmonaire ne remet pas en cause l’existence d’une nature pulmonaire. Le fait que nous ne connaissions pas tout de la nature pulmonaire ne remet pas en cause son existence.

Et s’il n’y avait pas de nature pontaine comme de nature pulmonaire, on voit mal comment un ingénieur ou un médecin pourraient exercer leur métier. Qu’est ce qu’ils guériraient ou répareraient s’ils n’avaient pas un modèle idéal vers lequel faire tendre le poumon ou le pont ?

De même, le fait que des hommes s’éloignent de la nature humaine n’est en rien un signe d’absence d’une nature humaine.

« C’est d’ailleurs un des attributs les plus remarquables du Droit naturel : le fait qu’il s’applique à tous les hommes, sans égard au temps ni au lieu. C’est cela qui place le Droit naturel au même rang que les lois naturelles de la physique ou de la “science”. Or la société de liberté est la seule et unique société où il est possible d’appliquer les mêmes règles fondamentales à chacune des personnes, où qu’elle se trouve et quel que soit l’instant. C’est précisément un des critères qui fournissent à la raison le moyen de choisir entre des théories concurrentes de la loi naturelle ; tout comme il lui permet de choisir entre plusieurs théories en économie ou dans d’autres disciplines.
 
 ../…. De même, si quelqu’un prétend que chaque homme aurait un Droit naturel à trois bons repas par jour, il est d’une évidence criante que nous avons là une fausse théorie de la loi ou des Droits naturels, car il existe une infinité de circonstances et d’endroits où il est matériellement impossible de fournir trois bons repas par jour à l’ensemble de la population et même à une majorité de ses membres : on ne peut donc pas le présenter comme un “Droit naturel” à quelque titre que ce soit. »
Murray Rothbard – L’Ethique de la liberté

L’historicisme c’est l’histoire de l’arroseur arrosé. Les réactionnaires veulent arroser les révolutionnaires et leur étalon mesure des institutions justes, étalon mesure qui provoque des révolutions ou des frustrations. Il n’existe pas de droit naturel et universel, mais des droits particuliers et historiques : ceux des britanniques, des Français ou des Espagnols. Ce tuyau d’arrosage va se retourner méchamment contre les réactionnaires puisqu’il va devenir l’une des briques du marxisme.

Pour connaître ces droits particuliers, il faut donc sonder l’âme des peuples (ou des classes sociales avec Marx), et leur histoire. De là on peut en déduire des normes objectives pour chaque peuple, chaque classe sociale.

Hélas, tirer des normes universelles de l’histoire est encore plus compliqué que  lire l’avenir dans le marc de café. Quel désordre ! Des gens parfois salauds ou parfois sages qui l’emportent sur des gens parfois intelligents ou bêtes ou le contraire, ou l’inverse, ou ni l’un ni l’autre, le tout de manière imprévisible et fluctuante.

Bon… Tout ça parait un peu léger pour en déduire des normes, mêmes particulières. Et en déduire l’avenir. Cette difficulté n’arrêtera pas les perspicaces voyantes de l’histoire -marxistes en particulier- qui voient tout, comprennent tout, résolvent tout grâce aux lignes de la main des nations, des techniques ou des classes sociales.
D’autant que l’historicisme n’a pas vraiment d’adversaire. Juste des pensées même pas conscientes d’être le fruit de l’histoire.

Ben oui, toute pensée est historique. C’est-à-dire qu’elle ne peut exprimer qu’une vérité « particulière » dépendant de la période historique dont elle émerge. Il n’y a pas de pensée universelle -donc en passant de droit naturel- juste une pensée de l’époque de Platon à Athènes, une pensée de Thomas d’Aquin au Moyen Age etc..

Cela pose bien sûr un petit problème théorique. Si toute pensée est historique, alors la pensée qui dit que tout pensée est historique est elle aussi historique. Donc elle ne sera pas valable à d’autres périodes de l’histoire… Il n’y a qu’à attendre quelques années pour retourner à la raison.

Ce petit problème théorique, commun -sous d’autres formes- à de nombreux scepticismes, n’a pas été résolu sauf avec des arguments très convaincants de l’ordre de « toute pensée est historique sauf celle-ci parce que cela m’arrange », habilement masqués par un jargon assez pompeux pour intimider tout récalcitrant.

Etage 2 Vivre

Un premier fait incontestable : nous sommes vivants.

(Si des zombies lisent ce document, je suis flatté d’avoir une telle variété de lecteurs, mais je suis obligé de leur annoncer que leur appartenance au genre humain est désormais plus que discutable -en particulier à cause de leur appétit pour les cerveaux humains vivants- et donc que la nature zombaine est différente sur de nombreux points de la nature humaine.)

Le fait que nous soyons vivants est difficilement contestable. D’autant plus que pour contester quelque chose, être vivant, ça aide.

D’une manière générale, on ne peut rien faire sans vivre. Agir, penser nécessite d’être vivant. Y compris d’ailleurs pour se suicider, pour tuer ou pour désirer la mort. Vivre est le préalable incontournable d’une existence humaine.

Les partisans du droit naturel constatent grâce à un effort (très important) de la raison que la nature de l’Homme est d’être vivant.

« Certes la question parait frappée de bon sens : quel sens cela a-t-il de célébrer la liberté humaine, de voir dans la liberté le propre de l’homme, comme nous aimons à le faire depuis deux siècles, si la science centrale du monde humain présuppose, et entend prouver, que la conduite humaine est régie par des lois nécessaires, ou du moins ne peut être comprise que comme effet de causes sociales ? »
Pierre Manent – La cité de l’Homme.


Comme beaucoup de grands philosophes, Hobbes a une certitude :  il est l’homme providentiel de la philosophie capable de faire mieux que tous les autres avant lui. Le Bob Morane de la Vérité.
Le philosophe contre toute erreur partage avec les philosophes classiques une idée forte: une idée sur la nature de l’homme pré existante à toute convention, à toute tradition.

Mais selon Hobbes, les anciens ont échoué. La preuve : les septiques les suivent comme les mouettes suivent un chalutier. Ca fait 2000 ans que ça dure, et une idée de justice universelle n’est toujours pas unaniment acceptée.  Les classiques se sont trompés en  fondant la nature sur une finalité, sur ce que l’Homme doit devenir –un Homme sage et vertueux-.

Il ne faut pas partir de la finalité de l’Homme, mais du début. Et son début, c’est sa survie. La conservation de soi. Avant de se mettre à poser des devoirs à l’Homme, grandir en tempérance ou en courage, il faut lui reconnaître un droit fondamental : le droit de vivre.

Le problème c’est que si ce qui est juste, c’est le droit de vivre, c’est-à-dire le droit de prendre toutes les dispositions pour assurer sa survie, ça va vite dégénérer…  en guerre de tous contre tous. D’autant que l’Homme, pire que les bêtes, dispose de la raison, il est capable de calculer une agression avec plusieurs coups d’avance, donc de faire rationnellement des attaques préventives. Mad Max et ses copains respectent sans doute la loi naturelle en survivant, mais au milieu d’un chaos sans limite. Pour survivre, il faut non seulement se défendre, mais attaquer préventivement, surtout si l’on n’est pas sûr d’avoir le dessus.

Pour éviter un immense champ de bataille qui finalement ne permet la survie de personne, Hobbes a une solution rationnelle, donc partagée par tous les hommes doués de raison : confier sa sécurité à une entité dominant tout le monde, le Léviathan, l’Etat.

Avec son idée marketing de génie, mettre l’accent sur des Droits et non sur des devoirs, Hobbes remporte le gros lot, les humains préfèrent toujours des droits à des obligations.

Mais dans le berceau, il y a aussi le Léviathan, la souveraineté sans limite de l’Etat… Le bébé a du souci à se faire.

Les faits et les valeurs.

L’une des objections majeures contre le droit naturel est que selon certains penseurs (David Hume), on ne peut pas tirer une valeur, une norme d’un fait.
Le fait que nous soyons vivants, n’implique pas que respecter la vie est juste. Le fait que beaucoup d’hommes vivent en société ne permet pas d’affirmer que vivre en société est juste.
La nature constituant un ensemble de faits on ne peut pas en tirer une norme, un système de valeurs comme le droit naturel. De ce qui est on ne peut déduire ce qui doit être.

Par exemple, le syllogisme suivant n’est pas valide :
B) Le respect de la nature humaine est nécessaire pour vivre dans une société harmonieuse et respectant l’autonomie des individus.
C) Vous êtes un individu vivant en société
D) Donc vous devez respecter la nature humaine.
La norme D n’est pas déductible de faits B et C, même si B et C sont vrais.

Il manque une prémisse, un petit (A) qui introduit un choix :

A) Vous souhaitez vivre dans une société harmonieuse et respectant l’autonomie des individus.

A partir du moment où il s’agit d’un choix, le droit naturel ne devient plus qu’une option parmi d’autres. Option que tous ceux qui n’aiment pas les sociétés harmonieuses ou respectant l’autonomie des sujets ne choisiraient pas.

Aujourd’hui encore, le petit problème du fondement d’une morale donne lieu à une bataille intellectuelle complexe qui dépasse largement le cadre du droit naturel. Les réponses des partisans du droit naturel sont parmi les suivantes :
a) L’axiome d’argumentation (voir en face)
b) La distinction entre faits et valeurs ne concerne le droit naturel qu’à la fin du débat : Est ce une obligation morale de respecter le droit naturel ? Ce qui vient avant, nature de l’homme, loi naturelle, droit naturel  -qui est le plus polémique- n’est pas concerné par l’objection de Hume.
c) Dieu ou un texte sacré (Bible, Coran, Bouddha) me commande A.
d) Je ne veux pas avoir comme voisin quelqu’un qui ne souhaite pas A. Sa place est en prison, en exil ou dans un cimetière et j’ai le droit de prendre des dispositions pour me défendre préventivement contre un tel voisin.
e) C’est celui qui dit qui est. Les arguments utilisés pour contrer les théories de la loi naturelle font appel à des éléments des théories de la loi naturelle.

« Le professeur Hesselberg n’en a pas moins montré que Hume, au cours de ses propres démonstrations, avait bel et bien été obligé de réintroduire un raisonnement propre à la loi naturelle dans sa philosophie sociale et notamment dans sa théorie de la justice (illustrant ainsi le mot d’Étienne Gilson, comme quoi : “La loi naturelle enterre toujours ses croque-morts”). »
Murray Rothbard – L’Ethique de la liberté

Pour démontrer que le droit naturel n’est pas une question de choix ou de sentiments, certains penseurs partent d’axiomes irréfutables pour reconstruire une éthique vraie. Hans-Hermann Hoppe recycle l’éthique de la discussion de Habermas pour démontrer la propriété de soi.

Le premier axiome est l’axiome d’argumentation.
A partir du moment où l’on argumente, on est obligé d’admettre implicitement un certain nombre d’axiomes.
D’abord pour argumenter, il faut admettre qu’argumenter est possible…  On ne peut pas argumenter qu’argumenter est impossible.  Argumenter implique donc l’acception de contraintes logiques partagées (principe de non contradiction etc…), du langage etc…
Argumenter est aussi une action, ce qui implique un acteur qui puisse agir. Pour pouvoir agir, il faut disposer du contrôle de son propre corps, de l’espace autour de son corps, ainsi que des ressources pour vivre. Ressources qui ont donc été « appropriées » (cf. propriété) ne serait ce qu’au moment de les avaler.

Hoppes en déduit qu’argumenter, c’est nécessairement admettre un certain nombre de normes dont on peut déduire par la logique une éthique qui ressemble furieusement au droit naturel moderne (propriété de soi, appropriation des ressources).

Ces tentatives contemporaines pour fonder le droit naturel ne s’opposent pas au droit naturel classique ou moderne -à part sur le fondement- mais se voient comme des progrès dans la recherche de ce domaine.

Comme la physique ou la biologie, les théories du droit naturel évoluent, s’affinent avec le temps (mais pas l’objet de l’étude : loi naturelle elle-même qui est invariable, c’est sa connaissance qui progresse)

Etape 2 : Individualité


Nous sommes seuls dans notre tête (si vous entendez des petites voix en plus de votre monologue intérieur, il va falloir être fort : ce n’est pas Elvis qui vous parle. Vous avez juste oublié de prendre vos petites pilules ce matin).

Seuls les individus, et non pas les groupes, ressentent les émotions. Certes la victoire de onze sportifs courant derrière une baballe peut mettre en transe un grand nombre d’individus à la fois, mais il n’y a pas d’entité « Groupe de supporteurs » qui ressentirait une émotion de manière distincte des individus. Seul un individu aime, compatit, envie, jalouse ou déteste.

Seuls les individus peuvent expérimenter, aimer, raisonner. Nous ne pouvons bien sûr pas fusionner nos corps (une grosse dizaine de centimètres les soirs de tendresse, cela reste une fusion superficielle), ni nos esprits, pas possible que nos esprits se retrouvent tous ensemble dans un plasma humanoïde entourant la planète Terre, même en sautillant très haut après avoir avalé des champignons mexicains.

 Il n’est bien sûr pas possible de diviser en deux ou trois un seul corps ou esprit (pas de mini-moi 1, mini-moi 2 etc..).

Nous sommes donc nés individus et restons individus toute notre vie.
Cette évidence fait beaucoup de peine à tous ceux qui veulent surplomber l’humanité en un coup d’œil puis avec cette belle terre glaise sociétale faire des sociétés qui leur plaisent.

C’est d’autant plus surprenant que les individus qui veulent faire de la poterie avec l’humanité ont en général une conscience aiguë de leur propre individualité, voire de leur égo surdimensionné qu’ils aiment bien voir affiché en 4 m * 3 m dans la rue ou sur les plateaux TV.


« J’ai distingué la propriété intérieure et la propriété extérieure. La première consiste dans le droit que possède tout homme de disposer librement de ses facultés physiques, morales et intellectuelles, comme aussi du corps qui leur sert à la fois d’enveloppe et d’instrument ; la seconde réside dans le droit que conserve l’homme sur la portion de ses facultés, qu’il a jugé à propos de séparer de lui-même et d’appliquer aux objets extérieurs. »
Gustave de Molinari – Les soirées de la gare Saint Lazare

« La morale dont je vous parle, celle qui se fonde sur la raison, se résume à un seul axiome: l’existence existe; et à un seul choix: la vie. Tout le reste en découle. Pour vivre, l’homme doit tenir trois valeurs en haute estime: La raison, l’intentionnalité et l’estime de soi.
La raison, comme son seul moyen de connaissance; l’intentionnalité, comme son choix en faveur du bonheur que ce moyen doit lui permettre d’atteindre; l’estime de soi, comme la certitude inébranlable que son esprit est capable de penser et qu’il est digne d’être heureux, ce qui signifie: digne de vivre. Ces trois valeurs sont la base de toutes les vertus humaines, qui sont elles-mêmes liées à l’existence et à la conscience. Ces vertus sont la rationalité, l’indépendance, l’intégrité, l’honnêteté, la justice, la productivité et la fierté. »
Ayn Rand – Atlas Shrugged


Ayn Rand, en matière de chieuse flippée obtiendrait sans doute un 20 sur 20, voire un 21/20.

Dieu merci, pour connaître sa pensée, nous ne sommes pas obligés de la fréquenter, d’autant qu’elle est morte depuis 20 ans, nous n’avons qu’à lire ses gros livres.
Elle y développe l’exaltation de l’individu moderne, poursuivant avec détermination des objectifs qui lui sont propres, dans l’incompréhension et la jalousie des médiocres, arrivistes cupides ou collectivistes manipulateurs.

Le tout fondé sur sa philosophie à elle, et rien qu’à elle, l’objectivisme, où elle réfute des petits joueurs comme Emmanuel Kant (pour ses critiques de la raison) ou David Hume (pour sa distinction entre faits et valeurs) en quelques phrases. On est génial ou on l’est pas.

Car Ayn Rand aime par dessus tout la raison, pardon la Raison, ou plutôt la RAISON.

Et elle n’aime pas tout ce qui ne vient pas de la raison ou qui s’attaque à la raison.
Cette mise en avant de la raison pour parvenir à une éthique personnelle individualiste doublée d’une défense résolue du système libéral ne pouvait pas laisser insensibles les gros garçons et filles sentimentaux -pardon raisonnables- que sont les libéraux. Certains d’ailleurs, de sentimentaux sont passés à vrais groupies, sectaires, exclusifs et obsessionnels.

Mais les piaillements des midinettes de ses groupies comme le côté Monsieur Spock sévère d’Ayn Rand ne doivent pas faire oublier certaines pages exceptionnelles de ses romans. Des plaidoiries taillées au diamant contre le collectivisme contemporain, posant de manière ferme et sobre les principes moraux d’une personne libre voulant mener sa vie et agir selon ses choix, sans violer les droits naturels des autres.

Étape 2 : La raison et le langage.

Troisième constatation sur la nature humaine :
Nous sommes dotés de la raison et du langage. Même si en ce qui concerne la raison, cela ne saute pas aux yeux pour tout le monde.

Ceci n’est pas un petit détail. Cela nous distingue de nos amies les bêtes.

La loi naturelle humaine, ce n’est pas la loi du plus fort, ce n’est pas la loi de la jungle, parce que les Hommes ne sont pas des bêtes : ils possèdent la raison et le langage pour argumenter au lieu de tuer, pour réfléchir au lieu de suivre leur instinct.

Les Hommes ne sont pas des bêtes, ils sont beaucoup plus que des bêtes. Pourquoi après quelques décennies de nihilisme deep écolo machin truc, cette évidence semble presque incongrue ?

« Il est évident que l’homme est un animal politique plus que n’importe quelle abeille et que n’importe quel animal grégaire. Car, comme nous le disons, la nature ne fait rien en vain ; or seul parmi les animaux l’homme a un langage. Certes la voix est le signe du douloureux et de l’agréable, aussi la rencontre-t-on chez les animaux ; leur nature, en effet, est parvenue jusqu’au point d’éprouver la sensation du douloureux et de l’agréable et de se les signifier mutuellement.
Mais le langage existe en vue de manifester l’avantageux et le nuisible, et par suite aussi le juste et l’injuste. Il n’y a en effet qu’une chose qui soit propre aux hommes par rapport aux autres animaux : le fait que seuls ils aient la perception du bien, du mal, du juste, de l’injuste et des autres notions de ce genre. Or avoir de telles notions en commun c’est ce qui fait une famille et une cité. »
Aristote – Les Politiques


Aristote (384-322) est l’un des trois mousquetaires de la philosophie classique.

Pour Aristote, la raison est un bon instrument pour comprendre le monde, connaître la justice et les lois naturelles. Exit donc la tradition ancestrale qui doit passer au gril de la raison comme les autres, et exit aussi les émotions souvent trompeuses (autant dire que ces vieux snocks de Grecs auraient du mal avec le journal TV du soir ou les campagnes électorales…)

Ca tombe bien, de la raison, Aristote en a un gros paquet, ce qui lui permet de déterminer que :
 –    Il existe deux sortes de lois, la loi particulière (les lois posées par les Etats) et la loi commune (loi naturelle) :
 –    La nature de l’Homme se définit par rapport à sa finalité, sa fin. (Conception téléologique pour les connaisseurs). Et sa fin c’est de vivre selon la vertu (déclinée en vertus principales, prudence, justice, force, tempérance). Une vie contemplative du sage.
 –    L’homme étant un animal politique, la Cité est nécessaire à l’homme pour gagner en vertu.
 –    Les Hommes étant inégaux naturellement, l’inégalité devant la loi est naturelle. En particulier l’esclavage.

Le premier rugissement du moteur de la raison appliqué à la Nature Humaine a un petit côté moteur Diesel un matin d’hiver : y’a des ratés bruyants.

Mais bon, en même temps, c’est pas une mobylette qui démarre. C’est un énorme truck conceptuel qui va structurer (et tirer ?) la civilisation occidentale pendant 2500 ans, on peut pardonner certains hoquets à froid.

Etape 2 : Vivre en société


Quatrième constatation, nous aimons bien passer du temps avec nos semblables. Rares sont les personnes qui ne veulent (ne peuvent) voir personne, jamais. De fait, il y a certes parfois quelques ermites, des enfants loups ou un robinson malgré lui, mais rares sont les êtres humains qui vivent seuls tout au long de leur existence.

L’Homme aime bien vivre avec ses semblables, même pour ronchonner ensuite.

Que ce soit dans un état de nature ou dans une cité, l’Homme est un individu certes, mais un individu qui vit en société. C’est mieux pour aimer, pour se protéger, pour échanger, pour travailler, pour jouer. C’est mieux.

Cette vie en société n’est pourtant pas celle d’une termitière constituée d’ouvrières interchangeables ni d’extraterrestres fusionnant dans un plasma télépathique. L’Homme est et reste un individu même au contact de ses semblables.

La nature de l’Homme est donc d’être et de rester un individu, un individu vivant en société.. Kaie.. Kaie..kaie… La nature des plasmas de termites extraterrestres télépathiques est sans doute moins problématique.

« L’homme est un être qui aime son prochain et qui vit en société. »
Aristote – Ethique à Nicomaque

« Il existe une loi vraie, c’est la droite raison, conforme à la nature, répandue dans tous les êtres, toujours d’accord avec elle-même, non sujette à périr, qui nous rappelle impérieusement à remplir notre fonction, nous interdit la fraude et nous en détourne.
L’honnête homme n’est jamais sourd à ses commandements et à ses défenses ; ils sont sans action sur le pervers. A cette loi nul amendement n’est permis, il n’est licite de l’abroger ni en totalité, ni en partie.
../..
Cette loi n’est pas autre à Athènes, autre à Rome, autre aujourd’hui, autre demain, c’est une seule et même loi éternelle et immuable, qui régit toutes les nations et en tout temps. »
Ciceron De Republica III – XXII


Avec Locke, Pufendorff , Hobbes, la réflexion se base sur un état de nature fictif antérieur à l’apparition de l’Etat.

Les droits naturels pré existent à l’Etat. Et l’efficacité d’un gouvernement ne peut être jugée qu’à sa capacité de protéger les droits naturels.

Pour Hobbes, l’état de nature est la guerre de tous contre tous. Et le contrat entre individus pour justifier l’existence de l’Etat est donc d’assurer la sécurité.

Pour Locke, papa du libéralisme, l’état de nature permettait déjà aux individus de vivre harmonieusement mais à la condition de surveiller et de défendre leurs droits à la liberté et à la propriété. La société préexiste à l’Etat. La société existe avec ou sans l’Etat. L’existence de l’Etat est donc issue d’un contrat entre les individus, contrat permettant d’assurer la protection de la liberté et de la propriété mieux que les individus ne pourraient le faire seuls.

Pour Rousseau, adversaire du libéralisme, l’état de nature était une forme bienheureuse d’isolation totale entre individus et d’absence d’envie puisque cette isolation empêchait la comparaison. Le rôle de l’Etat est donc, maintenant que les hommes vivent en société de retrouver l’unicité perdue pour les individus isolés dans une société et d’éviter l’envie à travers l’égalité de fait.

Ces états de nature et le contrat concernant l’existence de l’Etat sont absents de la réflexion classique, grecque et romaine, sur la loi naturelle.

Pour les philosophes classiques, la cité et la vie en société font partie intégrante de la loi naturelle. Il n’y a pas de contrat, juste la réalisation de la nature humaine.

Etape 2 : Vertu ou pas vertu ?

Tendre vers la vertu fait-il partie de la nature humaine ?
Bon, on sait déjà soit par l’expérience (la nature de l’homme est de vivre en société), soit par la logique (pour argumenter, il faut être un individu avec des normes communes) que la nature de l’homme est d’être un individu vivant en société.

Mais est-ce dans la nature de l’Homme de tendre vers la vertu ?
Oui, chez les philosophes classiques. La nature de l’homme se définit (surtout) par sa finalité. Sa fin est de tendre vers la vertu.

Non mais oui, chez les philosophes modernes libéraux (Locke). Non, la nature de l’homme n’est pas inscrite dans sa fin -qui peut être celle d’un sage ou d’un imbécile médiocre- mais dans ses caractéristiques propres et indiscutables.

La vertu est une chose respectable vers laquelle un gentilhomme doit naturellement tendre, mais elle peut varier selon les croyances.
Cette neutralité sur la vertu est l’un des points de clivage entre les conservateurs -de droite comme de gauche- et les libéraux.

Les conservateurs -qu’ils soient de droite ou de gauche- souhaitent que l’Etat fasse tendre les citoyens vers la sagesse.

Oubliant au passage qu’une immense partie de la population n’a pas besoin de l’Etat pour rechercher la sagesse sous une forme ou sous un autre.

Oubliant que la vertu imposée par l’Etat n’a qu’un lointain rapport avec la vertu et l’élévation vers l’esprit noble, mais est le plus souvent un culte au collectivisme ou à la gloire de l’Etat.

Oubliant surtout qu’utiliser l’Etat pour faire tendre les citoyens vers une vertu officielle, c’est provoquer la discorde avec tous ceux qui se reconnaissent dans une autre vertu. Le droit naturel moderne s’est développé à la fin des guerres de religions, ce n’est pas par hasard.

 » La raison pratique pour laquelle le pouvoir de la majorité, une fois établi, se maintient pendant une longue période, n’est pas que la majorité soit dans le vrai, ou que la minorité juge cela normal, mais par la raison du plus fort.
          En réalité, un gouvernement dans lequel la majorité décide dans tous les cas ne peut pas être juste, même avec la meilleure volonté. Peut-il exister un gouvernement dans lequel les majorités décident du bon ou du mauvais en conscience ?  Un gouvernement dans lequel les majorités s’occupent d’autre chose que de ce qui leur paraît opportun ?
        Le citoyen doit-il, même un instant, ou à un faible degré, abandonner sa conscience au législateur ? Si c’est le cas, pourquoi chaque humain aurait-il une conscience propre ? Je pense que nous devons d’abord être des hommes, et ensuite des administrés. « 
 
Henry Thoreau

A partir du moment où chacun respecte les Droits Naturels des autres, son usage de la liberté doit être légal. Le respect des Droits Naturels des autres est une limitation « minimum » de l’usage que chacun peut faire de sa liberté.

Cela ne veut pas dire pour autant que cet usage est respectable ou intelligent, ou rationnel, ou courageux, ou élégant.

Un individu qui se contenterait de respecter les Droit Naturels des autres serait sans doute quelqu’un de très médiocre.

Le respect des Droits Naturels des autres est un point de départ pour agir ou penser. Certainement pas un point d’arrivée.

Certains comportements, même respectant le Droit Naturel des autres (et la loi posée par les Etats), peuvent être jugés incorrects ou médiocres.

Le gentilhomme a donc trois attitudes possibles :

L’approbation. « Incroyable, ce rasta roule ses joints en marchant mieux que moi assis à une table ! Quel as ! »
L’indifférence silencieuse. « Moi j’aime le café et le Bourgogne… A chacun ses petits plaisirs. »
La désapprobation « Ce rasta fume de la drogue qui fait rire bêtement. C’est mal : ce n’est pas conforme à une vie tendant vers la vertu. Je vais le dire publiquement. »

Ces trois attitudes sont légitimes -y compris la désapprobation publique-. Le droit de faire l’usage de sa liberté n’est en aucun cas le devoir pour les autres de se taire sur l’usage que font les autres de leur liberté.

La loi naturelle pontaine


Donc nous avions déjà la nature, voici la loi naturelle.

Comme son nom ne l’indique pas, la loi naturelle n’est pas une sorte de super-code des lois : Fais ceci, Fais pas cela..

Le terme « loi » n’est pas pris ici dans le sens d’une règle à respecter mais d’un ordre des choses souhaitable ou respectable. Un ordre des choses conforme à la nature de l’objet auquel il s’applique. Par exemple la nature d’une sardine est de nager dans une eau de mer à 4 degrés. La loi naturelle de la sardine, l’ordre souhaitable conforme à la nature de la sardine, c’est la mer salée à 4 degrés…

La nature pontaine est donc d’enjamber des obstacles pour permettre de les franchir. Un ordre des choses conforme à la nature pontaine serait donc l’absence de guerre qui détruit les ponts, l’absence de tremblements de terre.

La nature de l’œuf au plat est d’être ni baveux, ni d’être crevé. L’ordre conforme à sa nature est une poêle avec de l’huile à la bonne température sans cuillère de bois trop agressive.

La nature d’un train est de rouler sur des rails. L’ordre souhaitable et conforme à sa nature de train, la loi naturelle du train, est donc un réseau ferré en bon état.

La nature d’un calendrier de la poste est d’avoir des photos kitchs de petits chiens. La loi naturelle d’un calendrier la poste, c’est euuh… bon je fatigue un peu avec les exemples pas super éclairants d’autant que nous devons nous préparer au grand saut : la loi naturelle de l’homme.

Autant souffler un peu..

« La conception classique continue à s’affirmer dans la vie quotidienne où l’homme vit parmi ses semblables. L’adhésion qu’elle continue à y trouver, empêche que la vie quotidienne se transforme en labyrinthe. Par contre, elle a presque disparu du monde de la haute rhétorique des grandes organisations, où la société humaine n’est qu’un dossier de statistiques. Là elle a dû céder la place à une nouvelle conception, qui fait des droits de l’homme des prétextes pour élargir l’emprise de la politique organisée. »
Van Dun – Les droits de l’homme et la crise du droit

Fonder le droit naturel sur une loi naturelle ou directement sur la nature de l’Homme est pour certains penseurs une ligne de partage entre le droit naturel classique et le droit naturel moderne.

La loi naturelle implique en effet forcément l’existence d’une société, l’ordre souhaitable et conforme à la nature de l’homme, tandis que la nature de l’homme n’a besoin que d’un individu isolé.

Selon eux, l’existence d’une société implique des droits mais aussi des obligations de chaque individu, tandis que la nature d’un individu isolé peut s’appuyer uniquement sur des droits, des droits naturels donc.

Cette différence est surtout mise en avant par les conservateurs pointant ainsi la terrible dérive de la société depuis cette satanée révolution. Et comme les conservateurs aiment bien les obligations, la loi naturelle parait être un socle plus sain pour développer le droit naturel.
 
En réalité les lignes sont beaucoup plus brouillées et les critères retenus pour opposer droit naturel classique et droit naturel moderne ne sont pas forcément pertinents.
La loi naturelle est expressément utilisée à l’époque moderne par Hobbes, Locke et les penseurs s’en réclamant. Il ne s’agit donc pas d’une spécificité du droit naturel classique.
A contrario, les droits naturels ne sont pas cités comme tels dans l’antiquité, mais dès Cicéron le concept est présent et il apparaît noir sur grimoire au Moyen Age, dans la magna carta et chez des théologiens catholiques. Il ne s’agit donc pas d’une création moderne.

La principale distinction entre le droit naturel moderne et le droit naturel classique est que ce dernier considère que la nature de l’homme est ce vers quoi il doit tendre, sa fin (la vertu pour ceux qui sautent des paragraphes).
Tandis que pour le droit naturel moderne, la nature de l’homme n’est pas sa fin, mais son origine : être un individu vivant doté de raison. Ce qui débouche sur la propriété de soi.
Cette distinction peut être relativisée quant à ses conséquences sur le contenu même du droit naturel. Le contenu du droit naturel moderne et classique est n effet assez similaire.

Bref, même s’il remplit des bibliothèques d’ouvrages savants, il n’est pas certain que le débat entre droit naturel moderne et droit naturel classique respecte la nature et les droits naturels de la mouche, notamment son intégrité physique.

Etape 2: La loi naturelle humaine


La loi naturelle est donc un ordre permettant de respecter la nature de l’homme.

La nature de l’homme est d’être un individu libre vivant avec les autres.

L’ordre conforme à cette nature est donc une société basée sur des relations permettant à chacun de coopérer tout en gardant son autonomie.

Ce sont des relations fondées sur la parole entre personnes égales par opposition à des relations fondées sur la violence ou le commandement entre un souverain et son sujet.

Ce sont des relations où l’individualité de chacun est préservée. On ne confond pas un individu et un autre.

« Relations d’égal à égal » signifie que personne n’a le droit de diriger un autre sans son consentement. Un salarié, un fournisseur peut accepter des ordres d’un chef, d’un client mais dans la cadre d’un contrat qu’il est libre de rompre.
Par contre, nul ne peut être esclave ou même simplement obligé d’obéir à des ordres sous la contrainte d’un commandement à cause de sa naissance ou de n’importe quelle contrainte unilatérale fixée par les institutions.

Les relations basées sur la parole signifient que ce n’est pas la violence physique qui encadre un échange, mais l’argumentation, l’engagement, la parole d’un Homme vis-à-vis d’un autre.

La loi naturelle humaine, c’est l’ordre souhaitable conforme à la nature de l’homme, c’est-à-dire les relations de convivialité d’égal à égal, respectant la liberté, l’individualité de chacun et excluant la violence, les relations de commandement.

« Revenons maintenant à la conception objectiviste et classique du droit comme l’ordre fondamental de la société humaine. Elle se rapporte directement à la nature objective de la société. Celle-ci est un réseau dans lequel participent d’innombrables individus, tous des êtres distincts et séparés, capables d’agir selon leur propre jugement et volonté. Ce réseau peut être en ordre ou en désordre.
Il y a désordre ou confusion quand un individu parvient à faire croire qu’il est l’auteur des dires, actes ou oeuvres d’un autre, ou qu’un autre est l’auteur de quelque chose qu’il a fait lui-même. Il y a confusion quand un individu traite un autre ou ses possessions comme s’ils étaient à lui. Dans tous ces cas il y a crime ou injustice: une personne faillit à son devoir de respecter les distinctions naturelles et objectives qui définissent précisément l’ordre de la société dans laquelle elle se trouve face à ses semblables.. »
Van Dun – Les droits de l’homme et la crise du droit

 

Les criminels et ceux qui aiment la guerre font bien sûr partie des adversaires de cette loi naturelle.

Mais aujourd’hui, les principaux pourvoyeurs de relations de commandement basées sur la violence sont les Etatistes qui tentent de diriger les autres -une réglementation mauvaise, une mauvaise loi- par la violence -désobéir à la loi expose tôt ou tard à la force de l’Etat-

Faire travailler et vivre ensemble des individus par la force n’est ni une nouveauté, ni une performance, c’est même malheureusement très fréquent dans l’histoire de l’humanité.

Mais ce sont des sociétés malades, niant en général une caractéristique incontournable de la nature de l’homme : son individualité. Ce ne sont pas des sociétés conformes à la nature de l’homme.

L’ordre conforme à la nature de l’homme n’est pas un société ordonnée par le haut basée sur des relations obligatoires fixées par un commandant ou une technocratie -même bienveillante- mais des relations libres d’égal à égal basée sur la parole et l’engagement réciproque.

Ces relations fondent une société plus juste, plus harmonieuse et plus stable que les sociétés basées sur des relations de commandements parce qu’elles sont conformes à la nature humaine.

Mais cette société prive de pouvoir les wannabe commandants, les étatistes.

Etape 2: La loi naturelle humaine


Dans le contexte de la loi naturelle, vivre en société n’est pas une collection approximative de « droits-créances » couplée à un Etat Nounou qui commande, cogne et soigne.

Il s’agit de relations justes entre des individus pris un à un.

Il ne s’agit pas de relations de commandements et de contrôles entre une bureaucratie qui décide et des citoyens qui obéissent, que cela soit pour leur sécurité, leur confort, leur éducation, leur culture, leurs loisirs, leur santé, leur travail, leur commerce.

Il s’agit de relations (sentimentales, culturelles, économiques) entre personnes égales entre elles, respectant l’individualité, la parole, la liberté, la propriété de chacun.

Il ne s’agit pas du contrôle et de la gestion par la coercition d’immenses petits tas d’individus regroupés articificiellement par un ou deux critères parmi des milliers d’autres. Il ne s’agit pas des relations arbitraires fixées par l’Etat entre des groupes d’individus (selon la classe sociale, raciale, religieuse, sexuelle), groupes aux contours arbitraires et très réducteurs pour les membres de ces groupes.

Il s’agit de milliards de relations distinctes et justes entre individus libres et égaux quels que soient leur classe sociale, race, religion ou sexe.


« Si l’homme, dans l’état de nature, est aussi libre que j’ai dit, s’il est le seigneur absolu de sa personne et de ses possessions, égal au plus grand et sujet à personne; pourquoi se dépouille-t-il de sa liberté et de cet empire, pourquoi se soumet-il à la domination et à l’inspection de quelque autre pouvoir? Il est aisé de répondre, qu’encore que, dans l’état de nature, l’homme ait un droit, tel que nous avons posé, la jouissance de ce droit est pourtant fort incertaine et exposée sans cesse à l’invasion d’autrui. « 
John Locke – Traité de gouvernement civil

Dans l’antiquité gréco-latine, les courants philosophiques poussent comme les groupes de rap sur Skyrock.
Mais ces écoles de philosophie abordent fréquemment un sujet finalement peu évoqué sur la bande FM adolescente : l’existence ou non d’une loi naturelle et l’articulation de cette loi avec les lois de la cité. Yo Mozer feukeur !
Parmi ces écoles, certaines adoptent des positions hostiles à l’existence d’une loi naturelle.

Dans la catégorie « Critique constructive », il y a les sophistes. Les punching balls bien confortables de trio magique (Socrate, Platon, Aristote) ne sont pourtant pas nihilistes. En tous cas pas les premières générations (Protagoras), simplement ils défendent une loi naturelle « populaire » que tout un chacun peut connaître, et pas seulement une élite au sommet de la cité chargée de la connaitre (et de l’imposer) pour tout le monde. De plus, ils ne sont pas convaincus qu’Athènes soit si conforme que ça à la loi naturelle. Les lois de la cité ne servent souvent que les puissants du jour qui les ont fabriquées sur mesure. Ces deux objections mettront de mauvaise humeur les patriotes athéniens. Cela n’est pas pour autant une attaque contre une justice universelle… au contraire…

Dans la catégorie « critique destructive, y compris la critique elle-même », il y a les sceptiques. Les sceptiques entament la grande tradition du soupçon sur la raison en utilisant au passage massivement la raison ce qui leur donne hier (comme aujourd’hui) le charmant côté du fou qui scie la branche sur laquelle il est assis en espérant que c’est l’arbre qui va tomber. Bref, pour les sceptiques toutes les lois ne peuvent être qu’un agrément arbitraire. Il n’y a pas de loi naturelle et de toute manière la raison est un instrument incapable de parvenir à une quelconque vérité.

Dans la catégorie « Woodstock », il y a les cyniques pour qui il existe une loi naturelle, et c’est la loi animale. Les hommes sont des animaux, leur loi est de ne pas étouffer leur côté animal. Vivre nu, faire l’amour en public (pardon s’accoupler en public) et dormir dehors.. Bon mis à part le côté ludique de faire l’amour dans le métro à l’heure de pointe, la loi naturelle des cyniques oublie un petit détail : l’homme est un animal certes, mais doté de la raison. Ce qui le distingue notablement du reste du règne animal… et change peut être un petit peu sa nature par rapport à une chèvre ou un poisson rouge.

Dans la catégorie « Jouir sans entraves », il y a les Epicuriens, le plaisir est la seule base éthique raisonnable. Les lois de la cité n’ont d’autres utilité que d’éviter que quelqu’un se blesse (ce qui nuit au plaisir). Peu importe ensuite le contenu de la loi. Certes mais si le plaisir est le seul critère,  pourquoir rendre illégitime le plaisir du violeur / tortionnaire sadique ?

Feuquinegue elle, le monde du rap est finalement très consensuel par rapport aux philosophes classiques.

Etape 3 Droits naturels


Le sage féru de ponts va donc déterminer grâce à l’usage de sa puissante raison que la nature d’un pont est d’enjamber les obstacles. Maintenant que son cerveau est chaud, il ne va pas s’arrêter en si bon chemin.

Il va en profiter pour déterminer des droits aux ponts permettant de respecter la nature du pont ou la loi naturelle pontaine.

Par exemple, il pourrait écrire un truc comme :
« Constatant que la nature des ponts est d’enjamber les obstacles, nous déclarons :
Article I
Chaque pont a le droit à la sécurité de son tablier. Nul ne doit faire des trous dans le tablier d’un pont.
Article II
Chaque pont a le droit ….
.. »

Il y a donc bien deux taches distinctes pour le sage en nature de Pont (on appelle aussi ça un ingénieur du bâtiment,  mais c’est moins classe).
a) Déterminer la nature du pont et/ou la loi naturelle conforme à la nature du pont.
b) Déterminer les droits naturels du pont ou les obligations du pont permettant de respecter cette nature.

Double usage de la Raison, Double discussions possibles, Double manière de se tromper. Et c’est pas fini, il y a d’autres étapes…

« Les citoyens possèdent des droits individuels indépendants de toute autorité sociale ou politique, et toute autorité qui viole ces droits devient illégitime.
Les droits des citoyens sont la liberté individuelle, la liberté religieuse, la liberté d’opinion, dans laquelle est comprise sa publicité, la jouissance de la propriété, la garantie contre tout arbitraire.
Aucune autorité ne peut porter atteinte à ces droits, sans déchirer son propre titre. »
Benjamin Constant


A partir de la nature de l’Homme et/ou de la loi naturelle, les penseurs libéraux (Locke, Rothbard) vont en déduire certains droits naturels de l’Homme.

Les droits naturels de l’homme sont plutôt évoqués sous la forme d’un triptyque bien connu de la Déclaration des Droits de l’Homme : Liberté, sureté, propriété.

Ou sous une formulation plus générale, comme la propriété de soi.

Les droits naturels de l’homme sont donc ceux dont il dispose avant l’apparition de l’Etat. Les droits dont il dispose par nature.

L’Etat n’est pas à l’origine de ces droits, il ne peut donc pas les abroger. Pour les libéraux, il est simplement chargé de les protéger.

Et lorsque l’Etat est incapable de protéger les droits naturels, voire -ce qui est fréquent- les viole sciemment, alors chaque individu peut prendre acte de la rupture unilatérale du contrat entre l’Etat et lui, et entreprendre de défendre ses droits naturels contre les autres ou l’Etat.

Etape 3 : Droits naturels versus loi naturelle ?


Des conservateurs et certains libéraux contestent donc l’utilité d’un passage par une déclaration de droits pour fonder le droit naturel.

Pour eux, le droit naturel doit s’appuyer sur une loi naturelle attachée aux relations entre individus et non sur des droits attachés directement aux individus. Fonder le droit naturel sur les « individus seuls » et non sur les « relations entre individus » n’est pas anodin. Il en découle selon eux un grand nombre de dysfonctionnements :

Pour eux, les droits naturels oublient l’autre pendant du respect de la nature humaine et des conditions d’une société harmonieuse : les obligations et les devoirs.
De plus cette formulation peut potentiellement inciter les étatistes à multiplier à côté des droits naturels, des faux droits, les droits créances.

Ces reproches ne sont pas infondés, mais bien comprise, la formulation des droits naturels affirme en quelques mots les conditions d’un respect de la nature humaine, et permet de s’opposer clairement aux multiples violations que le Droit Naturel subit de la part des puissants d’hier ou d’aujourd’hui.
Et contrairement à ce qu’affirment les conservateurs, les droits naturels n’orientent pas le droit naturel vers un chemin radicalement différent de celui pris en leur absence.

Enfin la loi naturelle « objective » n’est pas incompatible avec la formulation des droits naturels, elle est sans doute même incomplète sans elle.. La notion de Droits subjectifs ne date pas de l’époque moderne, mais apparait de l’époque classique jusqu’au canoniste du 13 ème siècle.

« S’il y a un principe tel que la justice, ou loi naturelle, alors ce principe, ou loi, doit nous dire quels droits ont été donné à chaque être humain à sa naissance, quels droits sont, donc, inhérents à sa personne, nécessairement attachés à lui durant toute sa vie. Droits, qui bien que pouvant être piétinés, ne peuvent pas être effacés, détruits, annihilés, séparés ou éliminés de sa nature d’être humain  ../… »
Lysander Spooner

« Nous tenons de Dieu le don qui pour nous les renferme tous, la Vie, — la vie physique, intellectuelle et morale. Mais la vie ne se soutient pas d’elle-même. Celui qui nous l’a donnée nous a laissé le soin de l’entretenir, de la développer, de la perfectionner.
Pour cela, il nous a pourvus d’un ensemble de Facultés merveilleuses; il nous a plongés dans un milieu d’éléments divers. C’est par l’application de nos facultés à ces éléments que se réalise le phénomène de l’Assimilation, de l’Appropriation, par lequel la vie parcourt le cercle qui lui a été assigné.
Existence, Facultés, Assimilation — en d’autres termes, Personnalité, Liberté, Propriété, — voilà l’homme.

C’est de ces trois choses qu’on peut dire, en dehors de toute subtilité démagogique, qu’elles sont antérieures et supérieures à toute législation humaine. « 
La Loi – Frédéric Bastiat

 

« Les Représentants du Peuple Français, constitués en Assemblée Nationale, considérant que l’ignorance, l’oubli ou le mépris des droits de l’Homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des Gouvernements, ont résolu d’exposer, dans une Déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de l’Homme, »
« Article 2
Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l’oppression. »

La Déclaration des Droits de l’Homme de 1789, document fondateur du nouveau régime, cité dans la constitution de la V ème république, est donc l’un des plus beaux aboutissements du droit naturel moderne, c’est-à-dire du libéralisme.

Je répète : le document fondateur du nouveau régime est libéral.

Incroyable, la France soit disant génétiquement étatiste a comme document le plus important et le plus connu de son histoire, un document ouvertement, explicitement libéral.
Et très peu de gens le savent.
Il en aura fallu du bourrage de crâne de l’éducation nationale, complaisamment relayé par la classe politique pour ignorer ce fait majeur.

Si la Déclaration des Droits de l’homme de 1789 avait été socialiste, on mettrait en avant son socialisme à longueur de scolarité, sur chaque pancarte de chaque manif, à chaque interview…

On ne la voit pas. On ne la voit pas parce que ses articles sont très mal adaptés aux cérémonies bastille république : ils défendent les droits naturels, pas les droits créances… Ils sont le socle du libéralisme, pas du socialisme ou de la social-démocratie.

La Déclaration des Droits de l’Homme de 1789 est impossible à manipuler pour lui faire dire le contraire de ce qu’elle dit. Les vainqueurs d’aujourd’hui, qu’ils soient aux manettes politiques comme à l’éducation nationale, le savent et en sont réduits à la citer sans tirer les conséquences de ces articles, à utiliser son nom sans surtout utiliser son contenu.

La Déclaration des Droits de l’Homme de 1789 est libérale. Et elle est le fruit de la dernière révolution et pourrait devenir le socle de la prochaine.

Etape 3 : Déclaration de 1948

La Déclaration des Droits de l’Homme de 1789 s’appuie le droit naturel, les droits naturels.

Celle de 1948 est devenue -sous l’influence de l’URSS- une liste à la Prévert de droits créances, de droits sociaux, de droits de deuxième génération, des droits de troisième génération (si, si ça vient de sortir)… tous opposés aux droits naturels.
Or les droits ne se reproduisent pas comme des lapins quoiqu’en pensent les bureaucrates démagogues qui font cet élevage en batterie depuis maintenant un demi-siècle pour notre plus grand malheur.

Un droit naturel ne donne comme seule obligation aux autres de s’abstenir d’interférer dans les actions d’un individu -dans le mesure bien sûr où il respecte les droits naturels des autres.-. Il préexiste à l’Etat et pourrait donc se passer totalement d’institutions coercitives.

Un droit créance oblige les autres à se mettre au service d’un individu : pour lui donner un logement, ou un travail. Il viole les droits naturels -tout en s’avérant incapable d’ailleurs de fournir quoique ce soit. En URSS, le droit au logement permettait surtout à trois familles de vivre dans un seul appartement. Les droits créances n’existent que parce que l’Etat existe.

Les droits créances ne sont pas des compléments des droits naturels, ils en sont l’ennemi mortel.
Sacrifier les droits naturels pour des droits créances, c’est affaiblir définitivement la liberté en général pour obtenir un avantage particulier ponctuel au détriment des autres.
C’est passer d’un Etat au périmètre bien défini et limité à un Etat Nounou au périmètre flou et potentiellement sans limite.

C’est donner le prétexte à tous les étatistes pour étendre encore et encore leur pouvoir.

« Je regarde comme impie et détestable cette maxime qu’en matière de gouvernement, la majorité du peuple a le droit de tout faire. »
Alexis de Tocqueville
« Étendre sur tous les objets  la compétence de la loi, c’est organiser la tyrannie. Il y a une partie de l’existence humaine qui, de nécessité, reste individuelle et indépendante –et qui est de droit hors de toute compétence sociale et législative. Au point où commence l’indépendance de l’existence individuelle s’arrête l’autorité de la législation ; et si la législation franchit cette ligne, elle est usurpatrice. Dans la partie de l’existence humaine qui doit rester indépendante de la législation résident les droits individuels, droits auquels la légilation ne doit jamais toucher, droits sur lesquels la société n’a pas de juridiction, droits qu’elle ne peut envahir sans se rendre coupable de tyrannie. »
Benjamin Constant.

Parmi les adversaires du droit naturel, on trouve naturellement l’archvilain des libéraux : Karl Marx.

Pour Marx, les distinctions entre les hommes, leur famille, leur travail, leur culture sont des aberrations historiques provoquant des conflits et surtout les coupant de leurs racines originales de l’homme universel.
Pour permettre à l’homme universel d’émerger sous l’épais vernis des contraintes sociales -en particulier économiques-, il faut décrasser à la révolution totale communiste, un produit miracle qui réalise l’unité de l’humanité et surtout permet à chacun d’avoir des « droits créances » sur toute la production de l’humanité.

« Droit créance » sera le nouveau type de droit en vogue même hors des dictatures communistes… Les lapins politiques « Droit créances » peuvent proliférer dans toutes les constitutions, les promesses électorales, les pleurnicheries de chaque lobbies.

Idéalement l’homme devrait devenir un Dieu pour qui aucune frustration n’est acceptable. Il a des « droit créances » sur tout.
Et pour répondre à ce « droit créances », il y a l’Etat-Nounou qui va créer des « Contraintes pour ».

Les « droits créances » malgré leur air de famille avec les droits naturels ne sont pas du même monde. Les droits naturels s’inscrivent dans une société d’individus, limités et mortels mais pouvant utiliser leur facultés pour chercher le bonheur sans injustice vis-à-vis des autres.

Les « Droits créances » sont une réponse à des hommes-Dieu capricieux sacrifiant sans états d’âme les individus réels à un Etat-Nounou omnipotent et menteur pour qu’il fasse semblant de décréter l’abolition générale de la frustration.

Etape 3 : L’égalité en droits


Tous les Hommes sont des individus vivants, autonomes et dotés de la raison.

Il n’y a donc pas de surhommes, de sous-hommes, d’Homme du Haut, d’Homme du bas, d’Homme de droite, d’Homme de gauche (ah si, il y a des hommes de gauche, mais personne n’a jamais pu expliquer ce que cela signifiait vraiment).

Si tous les Hommes sont identiques sur ce qui fonde leurs Droits Naturels -leur nature donc pour ceux qui suivent- ils ont donc les mêmes Droits Naturels.

Ce qui se traduit par le fait qu’ils sont égaux devant la loi posée par les Etats -en tout cas, lorsque celle-ci est conforme aux Droits Naturels-.
Autant dire que grouper les individus en petits tas pour donner par la loi des avantages ou des obligations spécifiques à certains individus selon leurs petits tas n’est pas conforme au Droit Naturel.

Ca tombe mal : grouper les individus en petit tas pour arroser ou pour assécher les individus d’un groupe par rapport aux autres groupes, c’est le business model de la classe politique actuelle.
Entre le business model de la classe politique actuelle et le Droit Naturel, il va donc falloir choisir.

En même temps, ce n’est pas comme si ce choix était douloureux..

 » L’état de nature a la loi de la nature, qui doit le régler, et à laquelle chacun est obligé de se soumettre et d’obéir : la raison, qui est cette loi, enseigne à tous les hommes, s’ils veulent bien la consulter, qu’étant tous égaux et indépendants, nul ne doit nuire à un autre, par rapport à sa vie, à sa santé, à sa liberté, à son bien : car, les hommes étant tous l’ouvrage d’un ouvrier tout-puissant et infiniment sage, les serviteurs d’un souverain maître, placés dans le monde par lui et pour ses intérêts, ils lui appartiennent en propre, et son ouvrage doit durer autant qu’il lui plait, non autant qu’il plait à un autre.
Et étant doués des mêmes facultés dans la communauté de nature, on ne peut supposer aucune subordination entre nous, qui puisse nous autoriser à nous détruire les uns les autres, comme si nous étions faits pour les usages les uns des autres, de la même manière que les créatures d’un rang inférieur au nôtre, sont faites pour notre usage. « 
John Locke – Traité de gouvernement civil

« La liberté et l’égalité naturelles sont inséparables l’une de l’autre. Si tous les hommes sont libres par nature, aucun n’est supérieur à l’autre et donc par nature tous les hommes sont égaux entre eux, si tous les hommes sont par nature libres et égaux, il est contre nature de traiter quiconque comme s’il était ni libre ni égal : la sauvegarde ou la restauration de la liberté ou de l’égalité naturelles est impliquée dans le droit naturel. »
Leo Strauss Droit naturel et histoire


L’égalité devant la loi est un vrai problème pour beaucoup d’hommes politiques.
En effet, comment arroser ses futurs électeurs avec des ressources/des avantages pris à tous le monde avec l’égalité devant la loi ?

L’égalité devant la loi est un vrai problème pour les haineux.
En effet, comment brimer les individus que l’on déteste (ils ne sont pas pareils que nous) avec l’égalité devant la loi ?

L’égalité devant la loi est un vrai problème pour les professionnels de la pleurnicherie victimaire.
En effet, comment exiger des avantages pour les membres que l’on aime (ils sont pareils que nous) avec l’égalité devant la loi ?

L’égalité devant la loi est un vrai problème pour les industriels peu scrupuleux.
Comment favoriser son entreprise par le biais de réglementation/subvention/avantage fiscal/protectionnisme/distorsion monétaire avec l’égalité devant la loi ?

L’égalité devant la loi est un vrai problème pour les constructivistes géniaux.
En effet, comment construire la société par le haut en brimant/favorisant/rabaissant des groupes d’individus avec l’égalité devant la loi ?

L’égalité devant la loi est un vrai problème pour tous ceux qui considèrent que certains individus sont des moyens pour les autres selon le groupe auquel ils appartiennent.
Finalement, des problèmes comme ça, peut être qu’il en faudrait davantage.

Etape 3 : L’égalité en droits versus l’égalité de fait

L’égalité devant la loi, l’égalité en droit, celle mentionnée dans la devise de la République, est donc conforme au droit naturel.

L’égalité de fait, c’est-à-dire l’égalité d’une variable parmi d’autres caractérisant un individu (ou son domaine propre) sur l’ensemble de la population est le principale adversaire de l’égalité.

Pour obtenir l’égalité de fait, il faut bien sûr favoriser certains individus au détriment d’autres. C’est donc le contraire de l’égalité en droit.
L’égalité de fait ne concerne d’ailleurs bizarrement que certaines variables : le revenu… Rien sur l’égalité sentimentale par exemple…
Ou l’égalité sexuelle.. Pourtant, c’est important une vie sexuelle heureuse pour une vie bonne. Pourquoi l’Etat ne forcerait-il pas les heureux en amour à faire quelques câlins aux malheureux… Pardon aux défavorisés…

Et la vie spirituelle ? Un arriviste, grand défavorisé en matière de vie spirituelle, qui a tout sacrifié pour accumuler des biens matériels est volé par l’Etat en faveur de celui qui a favorisé sa vie spirituelle en accumulant moins de richesses sans que l’Etat ne force ce dernier à partager sa vie spirituelle avec l’arriviste. C’est pas juste !

On voit bien que la lutte contre les inégalités est un projet sans fin.

En réalité, l’égalité de fait ne sera jamais atteinte sauf lorsque nous serons tous des schtroumpfs clonés avec des pyjamas blancs. Et encore cela ne suffira pas, il faudra aussi des puces électroniques envoyant des décharges électriques à chaque pensée différente (lutte contre les inégalités culturelles).

La lutte contre la pauvreté est une ambition respectable. La lutte contre les inégalités réelles est un projet totalitaire, par essence interminable, dont les uniques bénéficiaires sont les bergers chargés d’égaliser le troupeau.

[Dans l’état de nature] « Si chaque homme a le droit de défendre, même par la force, sa Personne, sa Liberté, sa Propriété, plusieurs hommes ont le Droit de se concerter, de s’entendre, d’organiser une Force commune pour pourvoir régulièrement à cette défense.

 » Le Droit collectif a donc son principe, sa raison d’être, sa légitimité dans le Droit individuel; et la Force commune ne peut avoir rationnellement d’autre but, d’autre mission que les forces isolées auxquelles elle se substitue.
Ainsi, comme la Force d’un individu ne peut légitimement attenter à la Personne, à la Liberté, à la Propriété d’un autre individu, par la même raison la Force commune ne peut être légitimement appliquée à détruire la Personne, la Liberté, la Propriété des individus ou des classes. »
La loi – Frédéric Bastiat

Une conséquence du Droit Naturel est donc l’égalité en droit.

C’est aussi de cette égalité dont il s’agit dans la devise de la République « liberté, égalité, fraternité » que l’on retrouve dans la Déclaration des Droits de l’Homme de 1789.

Malheureusement l’égalité devant la loi à un faux jumeau communiste : l’égalité de fait.

L’égalité de fait consiste à considérer que tous les hommes doivent être égaux sur tel ou tel plan (en général les revenus, mais cela peut être la culture, ou pourquoi pas pour la vie spirituelle ou sentimentale…).

L’égalité de fait est un concept différent de la lutte contre la pauvreté. Il peut y avoir une forte inégalité matérielle dans la prospérité (un club de millionnaires par exemple) ou une forte égalité matérielle et une misère noire (un bidonville ou un camp de réfugié).

Cette égalité de fait nécessite forcément de réduire l’individu à une fraction d’un groupe et à favoriser ou à défavoriser un groupe au profit d’un autre.
Cela revient à considérer que certains individus sont des moyens, des outils passifs au service d’autres individus selon le bon vouloir d’un Etat-Dieu.

Un projet politique consistant à diminuer les inégalités de fait est donc une attaque frontale contre l’égalité devant la loi, contre les Droits Naturels.

L’égalité en droit est conforme aux Droits naturels. C’est l’égalité libérale, l’égalité de la Déclaration des Droits de l’Homme de 1789.

L’égalité de fait, c’est un projet communiste niant l’individualité, la liberté de chaque personne.

Que les étatistes sautillent en permanence avec un air déterminé pour appeler à la lutte contre les zinégalités (de fait) n’est donc pas un hasard.

Entre le respect des Droits Naturels de leur concitoyens et leur Pouvoir,  les étatistes ont choisi depuis longtemps.

Etape 3 : L’individualité


L’Individualité fait donc partie de la nature de l’Homme.

Une autre violation de la nature de l’Homme serait de nier son individualité.

Le traiter comme une non-personne – une fraction d’un groupe – ou confondre ses actions et ses paroles avec celles d’un autre.

Le traiter comme une non-personne, c’est le traiter comme un moyen, un outil passif que l’on emploie sans se soucier de son consentement, ou même contre son consentement.

Respecter son consentement, c’est respecter sa liberté.

Un droit naturel qui permettrait de respecter la nature de l’homme sur ce point là pourrait donc s’écrire : « L’Homme a un droit naturel à la liberté. »
Ou dit différemment, « L’Homme a l’obligation de respecter la liberté/le consentement des autres ».

« Pour bien entendre en quoi consiste le pouvoir politique, et connaître sa véritable origine, il faut considérer dans quel état tous les hommes sont naturellement. C’est un état de parfaite liberté, un état dans lequel, sans demander de permission à personne, et sans dépendre de la volonté d’aucun autre homme, ils peuvent faire ce qu’il leur plait, et disposer de ce qu’ils possèdent et de leurs personnes, comme ils jugent à propos, pourvu qu’ils se tiennent dans les bornes de la loi de la Nature ».
John Locke – Traité de gouvernement civil

« Nous tenons pour évidentes pour elles-mêmes les vérités suivantes : tous les hommes sont créés égaux ; ils sont doués par le Créateur de certains droits inaliénables ; parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur.
Les gouvernements sont établis parmi les hommes pour garantir ces droits, et leur juste pouvoir émane du consentement des gouvernés. Toutes les fois qu’une forme de gouvernement devient destructive de ce but, le peuple a le droit de la changer ou de l’abolir et d’établir un nouveau gouvernement, en le fondant sur les principes et en l’organisant en la forme qui lui paraîtront les plus propres à lui donner la sûreté et le bonheur. »
Déclaration de l’indépendance américaine

 

John Locke (1632- 1704), dans la lignée de Thomas d’Aquin et de l’école de Salamanque, est l’un des grands penseurs du droit naturel moderne…

Contrairement à Hobbes qui voit l’état de nature comme un chaos sans nom, pour Locke dans l’état de nature, l’homme a plutôt tendance à tenir ses promesses, à ne pas tuer inutilement. Bref l’état de nature n’est pas l’enfer de Hobbes et sa guerre de tous contre tous.Même à l’état de nature, les Hommes connaissent par la raison ce qui est juste et ce qui est injuste, ce qui leur appartient de ce qui ne leur appartient pas.

 

Dans l’état de nature, personne n’est obligé de tenir compte des règles décrétées par un autre. Il y a donc égalité.

Cet état de nature n’est pourtant pas un paradis perdu. Les méchants existent et pour s’en protéger il est utile pour les hommes raisonnables de grouper leurs forces afin de se protéger efficacement. L’Etat est donc le fruit d’un contrat entre hommes raisonnables afin de protéger leurs droits naturels.

L’Etat est donc souhaitable pour protéger les droits naturels, mais il n’est pas indispensable. Les individus peuvent rompre le contrat avec l’Etat si ce dernier ne protège pas leurs droits, ou pire les viole lui-même.

Pour Hobbes, l’état de nature est un cauchemar et se rebeller contre l’Etat, c’est-à-dire retourner à l’état de nature, ne doit se faire qu’en tout dernier recours.

Pour Locke, l’état de nature n’est pas un paradis, mais permet tout de même aux individus de préserver leurs droits naturels. Se rebeller contre l’Etat est donc envisageable lorsque ce dernier viole massivement les droits naturels. Au pire, nous retournerions à l’état de nature, toujours supérieur à un Etat totalitaire ou despotique.

Les travaux de John Locke serviront de base pour la Déclaration des Droits de 1789 et la constitution américaine.

 

« Car, ce pouvoir n’étant autre chose que le pouvoir de chaque membre de la société, remis à cette personne ou à cette assemblée, qui est le législateur, ne saurait être plus grand que celui que toutes ces différentes personnes avaient dans l’état de nature, avant qu’ils entrassent en société, et eussent remis leur pouvoir à la communauté qu’ils formèrent ensuite. Car, enfin, personne ne peut conférer à un autre plus de pouvoir qu’il n’en a lui-même : or, personne n’a un pouvoir absolu et arbitraire sur soi-même, ou sur un autre, pour s’ôter la vie, ou pour la ravir a qui que ce soit, ou lui ravir aucun bien qu’il lui appartienne en propre. « 
John Locke – Traité de gouvernement civil

Etape 3 : Echanger ou ne pas échanger.


La liberté naturelle est donc la possibilité de refuser d’entrer dans un échange dont les termes ne vous conviennent pas.

Le droit de s’abstenir d’échanger ou d’agir.

« Non, Monsieur l’Escroc je ne souhaite pas échanger avec vous. »
« Non, Monsieur le Tortionnaire, je ne souhaite pas échanger avec vous. »
« Non, Monsieur le Violeur, je ne souhaite pas échanger avec vous. »
« Non, Monsieur l’Honnête Homme, je ne souhaite pas échanger avec vous. »
« Non, Monsieur le PDG, je ne souhaite pas échanger avec vous. »
« Non, Monsieur le bureaucrate, je ne souhaite pas échanger avec vous. »
« Non, Monsieur le Chef Religieux, je ne souhaite pas échanger avec vous »

Parce qu’elle est le droit de s’abstenir d’échanger, le droit de dire « non » à un échange non désiré, les communistes et aujourd’hui les sociaux-démocrates ont balancé par-dessus bord la liberté naturelle en expliquant qu’elle n’était pas suffisante pour éliminer la souffrance ou même simplement la frustration.

Pas suffisante, peut être. Mais indispensable, certainement. Le XX ème siècle aurait eu un tout autre visage, si les Etats avaient simplement respecté la liberté négative de chaque individu.

Ah bah tiens, le XIIX ème aussi. Et celui d’avant aussi. Et celui d’avant, avant aussi…

Peut être qu’au XXI ème, ca vaudrait le coup de commencer à essayer de respecter la liberté naturelle. Juste pour voir.

« En effet ce qu’on y échange,  ce ne sont pas seulement des pommes contre du beurre, ou de l’or contre des chevaux. Ce qu’on échange en réalité, ce ne sont pas directement les produits, mais les Droits de propriété sur ces produits. « 
Murray Rothbard – L’Ethique de la liberté

« Le droit à la propriété est antérieur à la loi. Ce n’est pas la loi qui a donné lieu à la propriété mais au contraire, la propriété qui a donné lieu à la loi. Cette observation est importante, car il est assez commun, surtout parmi les juristes, de faire reposer la propriété sur la loi, d’où la dangereuse conséquence que le législateur peut tout bouleverser en conscience »
Frédéric Bastiat – Le libre échange

 

La liberté naturelle n’empêche évidement pas l’engagement consenti.

La liberté naturelle, c’est la liberté de dire « non » à un engagement qui ne convient pas, mais aussi de dire « oui » à un engagement qui convient.

Cela peut être un engagement moral.
« Je m’engage à ne pas tromper la personne avec qui je vis. »
« Je m’engage à aider cet ami », « Je m’engage à prier Dieu », « Je m’engage à soutenir cette cause, cette organisation, cette nation ».

Cela peut être un engagement contractuel ou économique.
« Je m’engage à faire ceci ou cela en échange de ceci ou cela. –en général de l’argent-»

Le liberté naturelle n’est donc pas l’absence de contraintes, d’obligations ou devoirs vis-à-vis de soi-même ou des autres, elle est l’absence de contraintes non consenties venant des autres.

Elle est limitée -y compris par la force de l’Etat- :
Par le respect des droits naturels des autres.
Par les contrats volontairement consentis

et elle est encadrée  -par la pression sociale -sans être obligatoire-
Par les usages, règles de politesse, codes sociaux permettant à chacun de vivre au contact des autres sans (trop) d’incompréhensions.

Etape 3 La capacité


La liberté est parfois confondue avec son faux-ami : « la capacité ».
Etre libre, ce n’est pas la même chose qu’être capable.

Si nous sommes libres d’écrire un opéra, cela ne veut en aucun cas dire que nous en sommes capable.
Nous avons un droit naturel à la liberté d’écrire un opéra, en aucun cas nous avons un droit naturel à la capacité d’écrire un opéra.
Nous sommes libres d’aller en vacances à la plage, cela ne veut pas dire que nous en avons la capacité (financière).
Nous sommes libres de faire des gros câlins entre adultes consentants, mais ce n’est pas un droit à de gros câlins. Cela impliquerait pour les autres un devoir de faire des gros câlins. Le droit de l’amour libre n’est pas le droit du viol.

Un droit à la liberté est lié à la nature de l’Homme, un individu doué de sa propre raison dont il peut user pour guider son action.

Un droit à la capacité n’est pas lié à la nature de l’Homme sauf à considérer qu’il est dans la nature de l’Homme d’être un Dieu omnipotent, un Dieu ayant une capacité sans autre limite que ses envies.

La liberté, c’est celle de pouvoir penser, agir, échanger sans être entravé par les autres (dans la limite du respect des droits naturels des autres.)
C’est un droit dont tout le monde peut jouir, de manière égale.

Un droit à la capacité au contraire exige que les autres travaillent, agissent sans leur consentement pour vous écrire un opéra, pour vous payer des vacances à la plage, pour vous faire un câlin.

C’est un droit qui est forcément inégalitaire (certains prennent la capacité des autres), qui transforme les autres en moyens, qui viole le droit naturel à la liberté. Ceausescu, Staline ou Kim Sug avaient des droit à la capacité presque sans limite. Leurs peuples, par contre, n’avaient plus aucun droit.

La confusion entre droit à la liberté et droit à la capacité est permanente chez les étatistes. Forcément le droit à la liberté limite leur pouvoir, le droit à la capacité est un prétexte sans limite pour l’augmenter.

« La liberté de Robinson d’adopter des idées, de choisir ses fins reste inviolable et inaliénable ; d’un autre côté, comme l’homme n’est pas plus omnipotent qu’il n’est omniscient, il trouvera toujours des limites à son pouvoir de faire toutes les choses qu’il voudrait faire. « 
Murray Rothbard – L’Ethique de la liberté

 

A l’opposé d’Ayn Rand ou de Rothbard, Nozick pose sa réflexion autour d’un Etat minimal sur une déontologie kantienne.

C’est-à-dire sur des principes de base qui sont justes, et dont l’application -quelque soit ses résultats d’ailleurs- seront justes.

Tandis que pour Ayn Rand ou Rothbard, les règles sont justes parce que leur résultat (faire tendre l’Homme vers sa nature) est bien.

Et ce qui est juste pour Nozick -s’appuyant sur Kant-, c’est que personne ne soit utilisé comme un moyen. Chaque individu est une fin en soi.

On ne peut donc pas forcer un individu à agir sans son consentement, cela serait le prendre comme un moyen.
C’est-à-dire le forcer à travailler pour d’autres individus à travers le système d’une social-démocratie. Un médecin n’est pas obligé de travailler pour tout le monde. Il n’est pas un moyen pour tout le monde.

Un contribuable n’est pas obligé de financer un système de protection sociale pour tout le monde, il n’est pas un moyen pour tout le monde. Il peut le faire librement, mais on ne peut lui imposer.

Ces principes déontologiques sont évidemment à des années lumières de la cuisine électorale actuelle qui consiste en permanence à promettre à certains d’utiliser les autres comme des moyens au service de fins qu’ils n’approuvent pas.

Etape 3 – La liberté des autres


La liberté est donc difficile à défendre parce que chacun fait un usage différent de la liberté.

Le collectionneur de petites cuillères n’a parfois pas beaucoup de considération pour la liberté du surfeur, l’amateur de Bordeau pour celle du fumeur de marijuana fraiche.

Même si je n’ai aucun usage de la liberté de faire des vaccins, -je ne sais pas faire de la recherche médicale- j’ai tout de même intérêt à ce que ceux qui savent en faire soient libres d’en faire sans que l’Etat les en empêche. La liberté de Pasteur est précieuse, et pas seulement pour Pasteur.

Même si je n’ai aucun usage de la liberté de jouer de la musique, j’ai tout intérêt à ce que ceux qui savent jouer soient libres de le faire. La liberté de Beethoven est précieuse, et pas seulement pour Beethoven.

Même si je n’ai aucun usage de la liberté de tourner des films -je ne sais pas mettre en scène-, j’ai tout de même intérêt à ce que ceux qui savent le faire soient libre de le faire. La liberté de Kubrick est précieuse, et pas seulement pour Kubrick.

Même si je n’ai aucun usage de la liberté d’entreprendre, -je n’ai aucun talent pour créer une entreprise- j’ai tout intérêt à ce que ceux qui savent entreprendre faire soient libres de le faire. La liberté de Ford est précieuse et pas seulement pour Ford.

Défendre la liberté et celle des autres, même lorsqu’ils en font un usage que l’on ne comprend pas ou que l’on n’approuve pas, est de toute manière juste.

C’est souvent aussi utile. Utile pour soi, utile pour les autres.

« Dans une société libre, il ne serait permis à personne (ou personne ne se permettrait) de violer la propriété d’autrui. Cela impliquerait certainement que le pouvoir d’action de chacun serait limité, de même que le pouvoir de l’homme est toujours limité par sa nature ; mais cela n’impliquerait en rien une diminution de sa liberté. Car si nous définissons encore une fois la liberté comme l’absence de violence commise par un homme sur la personne ou la propriété d’un autre, la confusion mortelle entre la liberté et le pouvoir disparaît. Il saute alors aux yeux qu’une prétendue “liberté de voler et d’attaquer”, bref d’agresser, ne conduirait pas du tout à un état de liberté puisqu’elle permettrait qu’une personne, celle qui est victime de l’agression, soit privée de son Droit de contrôler sa personne et sa propriété ; bref, que sa liberté serait violée. »
Murray Rothbard – L’Ethique de la liberté

On peut respecter les Droits Naturels des autres et vivre et penser comme un porc.

C’est légal (ou cela devrait l’être.)

Mais cela ne veut pas dire que cela soit respectable et respecté.

La désapprobation est aussi un exercice de sa liberté, c’est parfois un devoir.

Refuser à l’Etat le rôle d’arbitre des bons goûts, de défendeur du vrai, du bien, du beau ne signifie pas que le vrai, le bien, le beau ou la vertu n’existent pas. Ni que chaque individu ne puisse défendre sa vision du vrai, bien, beau et désapprouver publiquement les actions qui s’en éloignent.

En d’autres termes « j’ai bien le droit (légal) de le faire » n’est en rien une justification morale et en aucun cas un devoir pour les autres de rester silencieux face à certaines actions ou comportements par ailleurs légaux. Le droit à la liberté comprend aussi la liberté d’exprimer sa désapprobation.

La pression sociale sur  la politesse ou les exigences morales variées (bien jouer de la musique, faire preuve de générosité, être un bon ami, un bon citoyen ou travailler correctement) sont parfaitement légitimes dans une société libérale.

Les comportements excentriques sont légaux et ont un rôle à jouer dans la découverte de meilleures façons d’agir ou de penser.

Mais la force contraire, la désapprobation publique de ces comportements sont tout aussi légitimes.

Le libéralisme, c’est le respect des droits naturels et la tolérance. Ce n’est ni l’indifférence ni le relativisme.

Les malotrus mitraillettes à «  »j’ai bien le droit à » en justification de n’importe quel comportement médiocre peuvent aller se rhabiller.
Ils ont peut être le droit naturel de faire ou dire ceci cela (parfois même pas), cela n’implique en rien le devoir des autres de se taire.

Etape 3 : La propriété et les faibles


La défense du droit à la propriété n’est pas un truc de puissant.

Les puissants n’ont jamais eu de problème pour défendre leur propriété.
Du Soudan pendant la guerre civile au seigneur du Moyen Age, ceux qui usent de la violence n’ont aucun problème pour disposer et jouir de leur propriété.
Ils la défendent eux-mêmes avec beaucoup d’efficacité -et volent d’ailleurs aussi parfois celle des autres-.

Après une nuit d’émeute, ce n’est jamais la Audi avec des vitres fumées que l’on retrouve calcinée dans sur le parking d’une cité. C’est la clio d’occasion. Les puissants protègent toujours très bien leur propriété.

La défense du droit de propriété est une nécessité pour les plus pauvres ou les plus faibles.

Les plus pauvres n’ont pas besoin qu’on viole le droit à la propriété en leur nom, leur force de travail est suffisante pour les sortir de la pauvreté. Ils ont besoin qu’on protège leur droit à la propriété contre les puissants violents et contre la rapacité des étatistes qui prétendent parler en leur nom mais qui ne font qu’étendre une bureaucratie gourmande.

« Aux pays sous-développés les conservateurs américains prêchent surtout la vertu de l’investissement étranger privé et la nécessité d’un climat sans risque politique pour accueillir les investissements des pays avancés. On ne saurait mieux dire, mais cela prend souvent des airs d’irréalité pour les peuples sous-développés parce que les conservateurs s’entêtent à ne pas faire la distinction entre l’investissement étranger légitime qui provient du marché libre et l’investissement assis sur des privilèges de monopole et d’immenses concessions foncières attribués dans ces pays par les hommes des Etats.
Dans la mesure où l’investissement étranger se fonde sur le monopole des terres et l’agression contre la paysannerie, les capitalistes étrangers font figure de seigneurs féodaux, et méritent bien d’être traités comme tels. »
Murray Rothbard – L’Ethique de la liberté

« J’affirme que les misères et les iniquités dont l’humanité n’a cessé de souffrir ne viennent point de la propriété ; j’affirme qu’elles viennent d’infractions particulières ou générales, temporaires ou permanentes, légales ou illégales, commises au principe de la propriété.
J’affirme que si la propriété avait été, dès l’origine du monde, religieusement respectée, l’humanité aurait constamment joui du maximum de bien-être que comportait, à chaque époque, l’état d’avancement des arts et des sciences, comme aussi d’une entière justice. »
Gustave de Molinari – Les soirées de la gare Saint Lazare

Même si ce détail est pudiquement oublié, de très nombreuses jacqueries ont eu comme point de départ la violation du droit naturel de propriété. Une pression fiscale sur les serfs par les étatistes de l’époque, les seigneurs, les maîtres, les dictateurs.

Aïe le peuple qui se rebelle non pour exiger que l’Etat Nounou change ses couches mais pour qu’il cesse de violer son droit naturel à la propriété. Cela ne cadre pas avec l’image d’épinal socialiste.

Robin des Bois himself n’est-il pas le héros libéral par excellence ? Le conseil régional de Sheerwood dilapide l’argent public au point que l’apparatchik local, le prince Jean, augmente la pression fiscale à un niveau insupportable sur les gentils contribuables paysans.
Une violation intolérable du droit à la propriété.

Heureusement un héros libéral, seul face au vent, se lève contre le chacal étatiste. Il reprend l’argent à l’Etat mammouth pour le redonner aux contribuables.

Imaginez la pression de propagande étatiste pour que cet hymne magnifique au droit à la propriété et au libéralisme soient transformés en lutte des classes marxiste…  Il est temps de laver le nom de Robin des Bois : il n’était pas socialiste, mais ultra libéral anglo-saxon !

Le respect du droit naturel de propriété n’est pas la cause de la pauvreté, c’est  le contraire. C’est sa violation permanente, constante à travers les époques et les lieux qui en est responsable.

Et les deux derniers siècles n’ont rien arrangé. Grâce à la technique, grâce au socialisme, les Etats n’ont jamais été capables de violer avec une telle efficacité les droits de propriété de chaque individu.

Pour un monde plus juste, plus prospère, ensemble, défendons une vraie cause humanitaire, la seule qui peut vraiment faire changer le monde : le respect du droit naturel  de propriété. Pour tous. Partout…

Etape 3 : Le viol du droit à la propriété


L’affaiblissement du droit à la propriété est une tendance lourde dans nos sociétés dominées par l’Etat Nounou.

Pour un oui ou pour un non, les étatistes violent le droit à la propriété, pour décider de l’usage du fruit de notre travail à notre place. Les niveaux de prélèvements obligatoires et de dettes ont atteint un niveau inimaginable en temps de paix.
Et là encore, les premières victimes de cette confiscation sont les plus pauvres.

Les plus pauvres qui subventionnent les grandes banques, l’industrie agroalimentaire, l’industrie militaire, l’industrie pharmaceutique, la lourde bureaucratie locale et nationale et une liste interminable de lobbies divers vivant sous le parapluie de l’Etat.

Le tout sous couvert de justice sociale. C’est un marché de dupes. Les pauvres n’ont pas besoin que l’on viole la propriété des autres à leur profit pour avoir une vie bonne. Ils ont au contraire plus besoin que les autres que le droit à la propriété soit scrupuleusement défendu par l’Etat.

Si les plus pauvres pouvaient disposer d’une plus large partie du fruit de leur travail, il est très probable qu’ils seraient beaucoup plus exigeants dans la façon dont l’argent est dépensé. Pour une éducation qui ne laisse pas en chemin leurs enfants, pour une santé sans surcoût etc…

Le viol du droit de la propriété ne profite jamais aux pauvres mais aux étatistes et à ceux qui vivent sous perfusion de l’Etat Nounou.


Les pauvres plus que les autres n’ont pas besoin d’un Etat Nounou, ils ont besoin d’un Etat libéral qui défend leurs droits naturels, en particulier leur droit à la propriété.

« Or celui qui confisque la propriété d’autrui agit en contradiction fondamentale avec les lois de sa propre nature en tant qu’homme. En effet, nous avons vu que l’homme ne peut vivre et prospérer que par sa production propre et l’échange des produits. L’agresseur, pour sa part, n’est pas un producteur mais un prédateur, il vit en parasite sur le travail et la production des autres. Au lieu de vivre en harmonie avec la nature de l’homme, l’agresseur est donc un parasite qui se nourrit sans contrepartie de l’exploitation du travail et de l’énergie d’autres hommes.
Murray Rothbard – L’Ethique de la liberté

« Tout cela montre évidemment que bien que la nature ait donné toutes choses en commun, l’homme néanmoins, étant le maître et le propriétaire de sa propre personne, de toutes ses actions, de tout son travail, a toujours en soi le grand fonde¬ment de la propriété; et que tout ce en quoi il emploie ses soins et son industrie pour le soutien de son être et pour son plaisir, surtout depuis que tant de belles découvertes ont été faites, et que tant d’arts ont été mis en usage et perfectionnés pour la commodité de la vie, lui appartient entièrement en propre, et n’appartient point aux autres en commun. »
John Locke – Traité de gouvernement civil

La clé centrale de la philosophie rothbardienne est donc l’axiome de non agression. C’est-à-dire que nul ne doit initier une agression contre une personne ou sa propriété.

Pour les Rothbardiens tout le droit naturel doit remonter à cet axiome. Ce qui est conforme à cet impératif est légitime, ce qui n’est pas conforme est illégitime.

Respecter cet axiome serait une condition nécessaire et suffisante pour protéger la liberté de chacun.

Dans ce cadre, si un couple en randonnée demande à un paysan local si le pont est solide et que le paysan leur répond « oui vous pouvez y aller » en sachant pertinemment qu’il va s’effondrer sur leur passage, le paysan est irréprochable : il n’a pas initié d’agression physique contre les randonneurs.

Il a juste exercé sa liberté d’expression.

Ce résultat surprenant est assumé par les Rothbardiens. Comme la légalité du chantage, de la diffamation, de l’appel au meurtre etc…  La loi ne doit s’occuper que des agressions physiques.
Dans ce contexte, un chef mafioso qui envoie des tueurs chez un commerçant est lui aussi irréprochable : il n’a commis lui-même aucune agression physique.


Pour les rothbardiens, criminaliser les agressions mentales est la porte ouverte à toutes les dérives (criminaliser la frustration due à un concurrent économique plus fort, les mensonges bénins, la souffrance psychologique due à un refus d’un échange qu’il soit sentimental ou commercial etc..). Seules les agressions physiques doivent être illégales.

Cette définition est en  rupture avec la tradition du droit naturel pour qui l’agression peut être beaucoup plus large : traiter quelqu’un comme un moyen sans son consentement, blesser quelqu’un par l’usage de la parole…

Etape 3. Le droit et les titres de propriété

 

Comme les lecteurs ont bien compris, il y a donc (parfois) une différence entre le droit naturel et la loi.

Cela se traduit par l’accaparation de biens, légale au regard de la loi, mais illégitime au regard du droit naturel.

Posséder, même légalement, quelque chose ne veut pas dire que l’on en est le propriétaire légitime au regard du droit naturel.
Si le bien a été acquis par la corruption, par des privilèges étatiques, par un échange forcé, par le vol, par le pillage pur et simple d’un despote, ce bien n’est pas légitime au regard du droit naturel, même si le pillard a un petit bout de papier d’un Etat qui dit que c’est à lui.

Il se murmure par exemple que des milliardaires russes, des dictateurs africains, des propriétaires terriens d’Amérique du Sud n’ont pas bâti leur fortune immense sur leur seul talent, leur travail ou des échanges libres avec leur concitoyens. Et que des exemples similaires se trouvent aussi chez nous chez des messieurs bien sous tout rapport en costumes trois pièces.

« Il est si vrai que la Propriété est antérieure à la loi, qu’elle est reconnue même parmi les sauvages qui n’ont pas de lois, ou du moins de lois écrites. Quand un sauvage a consacré son travail à se construire une hutte, personne ne lui en dispute la possession ou la Propriété. Sans doute un autre sauvage plus vigoureux peut l’en chasser, mais ce n’est pas sans indigner et alarmer la tribu tout entière. C’est même cet abus de la force qui donne naissance à l’association à la convention, à la loi, qui met la force publique au service de la Propriété. Donc la Loi naît de la Propriété, bien loin que la Propriété naisse de la Loi.
On peut dire que le principe de la propriété est reconnu jusque parmi les animaux. L’hirondelle soigne paisiblement sa jeune famille dans le nid qu’elle a construit par ses efforts.

 

La plante même vit et se développe par assimilation, par appropriation. Elle s’approprie les substances, les gaz, les sels qui sont à sa portée. Il suffirait d’interrompre ce phénomène pour la faire dessécher et périr.

 

De même l’homme vit et se développe par appropriation. L’appropriation est un phénomène naturel, providentiel, essentiel à la vie, et la propriété n’est que l’appropriation devenue un droit par le travail. Quand le travail a rendu assimilables, appropriables des substances qui ne l’étaient pas, je ne vois vraiment pas comment on pourrait prétendre que, de droit, le phénomène de l’appropriation doit s’accomplir au profit d’un autre individu que celui qui a exécuté le travail. »

 

Frédéric Bastiat – La propriété et la loi
 

 

S’il y a un domaine dans nos sociétés occidentales où le droit légal à la propriété et le droit légitime à la propriété ne coïncident pas, c’est bien celui de la monnaie.

La monnaie d’Etat, obligatoire et monopolistique, est créée au détriment de tous par les banques privés et les banques centrales.

Cela se traduit par un transfert massif de ressources des individus hors de la sphère bancaire ou étatique vers les individus dans la sphère bancaire ou étatique.

C’est un échange obligatoire -nous sommes obligés d’utiliser la monnaie de l’Etat-, un échange sans contrepartie.

Comme dans bien d’autres domaines, ce n’est pas le respect du droit à la propriété qui est la cause d’injustice, mais c’est son viol.

Comme dans bien d’autres domaines, les étatistes, grands architectes du système de spoliation industriel versent des larmes de crocodiles sur les conséquences de ce système dont ils sont les défenseurs inconditionnels.

Etape 4 : Le droit naturel


Nous approchons du sommet :

Nous avons donc cinq couches.
Première couche : la raison est un outil qui permet d’approcher la connaissance de la loi naturelle.
La deuxième couche, c’est la nature du Pont, la loi naturelle.
La troisième couche, ce sont les droits naturels que l’on peut déduire de cette loi naturelle.
La quatrième couche, ta..ta…ta..tin…c’est enfin le droit naturel himself.

Nous y voilà.

Le Droit Naturel, c’est l’émergence au fil du temps et des situations d’un corpus de règles respectant les droits naturels, et adaptées à l’infinité de situations posées par les relations entre individus.

Le droit naturel, ce sont les règles au jour le jour, renforçant la loi naturelle, c’est-à-dire permettant de nouer des relations tout en protégeant l’autonomie de chacun.

Après les sommets métaphysiques où Kant interpelle Aristote qui discute avec Hume sous l’œil de Locke, le droit naturel ce sont des millions de règles de bon sens, parfois très terre à terre, permettant de trancher les conflits dans le respect de la justice.

Le droit naturel peut donc varier (doucement) selon les époques ou les cultures, tout en étant respectueux de la loi naturelle.


« La loi, c’est l’organisation du droit naturel de légitime défense ; c’est la substitution de la force collective aux forces individuelles, ../.. pour garantir les personnes, les libertés, les propriétés, pour maintenir chacun dans son Droit, pour faire régner entre tous la JUSTICE. »
La Loi – Frédéric Bastiat

 


La nature de l’Homme, la loi naturelle, les droits naturels donnent la direction vers laquelle tendre pour permettre l’émergence d’une société juste tout en préservant le domaine propre de chaque individu.

Mais au quotidien, il ne s’agit pas de principes généraux, mais d’une multitude de situations, de conflits parfois simples, parfois très complexes qui doivent être trancher, par tout à chacun, par un arbitre, par un législateur ou par juge.

Le droit naturel émerge petit à petit, au fur et à mesure des besoins, des situations, d’une multitude de décisions ou de principes.. Rendre à chacun ce qui lui est du, faire respecter les engagements de chacun, permettre à chacun de savoir ce qu’il peut faire ou pas dans ses relations avec les autres.

Le droit naturel n’est donc pas un code de lois gravé dans le marbre noir depuis 2000 ans. C’est un tableau pointilliste qui dessine petit à petit une jurisprudence complexe basée sur des millions de points : les décisions des juges soucieux de justice.

Aujourd’hui sous l’influence d’un législateur fou et de juges positivistes, la qualité de la loi s’est considérablement dégradée.

Etape 4 droit naturel pontain


Par exemple, pour le droit naturel pontain, dans la culture maya ou les ponts sont des lianes attachées de part et d’autres d’un précipice, la règle générale « le tablier du pont ne doit pas avoir de trou » se déclinera en une multitude de règles particulières :

« Si un lama fait un trou dans le tablier en marchant sur le pont, il s’agit de l’usage normal et le propriétaire du lama ne sera pas tenu responsable, par contre si le lama broute la liane du pont, le propriétaire du lama sera responsable.
S’il s’agit d’un troupeau de …. »

Des règles en occident parleront sans doute plutot de 33 tonnes et d’autobus et sur la banquise des traineaux..

On constate donc qu’à partir d’une nature pontaine universelle, il y a de nombreuses déclinaisons du droit naturel selon la culture ou la période.

Cela ne veut évidement pas dire que toutes les lois sont conformes au droit naturel… Une loi qui dirait « Le seigneur local a le droit de brûler le pont selon son bon vouloir » ne serait pas conforme au droit naturel : il y aurait rupture de l’égalité et violation du droit à la propriété.
Certains individus et cultures peuvent se tromper sur la nature du pont, sur la loi naturelle pontaine… ou sans se tromper sur les règles permettant de respecter la nature du pont, se tromper sur la conformité des règles du droit naturel par rapport à la nature du pont.

Que d’occasions de se tromper pour la Nature Pontaine… Ca donne une idée pour la Nature Humaine…


« Pendant de longs siècles, l’humanité gémit dans les limbes de la servitude. Mais, d’intervalle en intervalle, de sombres clameurs de détresse et de colère retentissaient au sein des masses asservies et exploitées. Les esclaves se soulevaient contre leurs maîtres en demandant la liberté.
La liberté ! c’était le cri des captifs d’Égypte, des esclaves de Spartacus, des paysans du Moyen Age, et, plus tard, des bourgeois opprimés par la noblesse et les corporations religieuses, des ouvriers opprimés par les maîtrises et les jurandes.
La liberté ! c’était le cri d’espérance de tous ceux dont la propriété se trouvait confisquée par le monopole ou le privilège.
La liberté ! c’était l’aspiration ardente de tous ceux dont les droits naturels étaient comprimés sous la force. »
Gustave de Molinari

Friedrich A. Hayek (1899–1992) est l’un des grands penseurs libéraux du XX ème siècle. Eclectique, ses travaux vont de l’économie à la philosophie politique en passant par l’épistémologie.

Ses apports sur l’ordre spontané, la transmission de l’information dans les systèmes complexes, la coordination entre acteurs ont été déterminants pour expliquer l’infériorité d’une économie communiste sur une économie libérale.

A la fin de sa carrière, il s’est longuement intéressé au droit, tentant de reprendre ses réflexions sur l’ordre spontané économique pour les appliquer à l’émergence de règles justes.

Dans la tradition du droit naturel, la raison, c’est-à-dire une réflexion consciente, permet aux Hommes de tendre vers une connaissance de la loi naturelle ou de la nature de l’homme, connaissance qui guide ensuite petites décisions par petites décisions le travail du juge ou du législateur.

Hayek, fidèle à sa conviction d’une supériorité des ordres spontanés émergeant par les apports d’acteurs divers, inverse totalement le processus.

C’est le travail des juges qui petit à petit permet de faire émerger le droit naturel, sans que les juges aient un quelconque guide moral. Les meilleures règles, c’est-à-dire les plus conformes à l’harmonie de la société émergent sans que personne n’en aie conscience.

Hayek partage donc avec la tradition du droit naturel, la méfiance des lois posées par les étatistes et la confiance dans la jurisprudence découverte peu à peu par les juges mais nie l’existence d’une loi naturelle redécouverte par la raison et servant de guide au juge.

Cette position est vivement contestée par les partisans du droit naturel. Les lois comme la jurisprudence sans une réflexion sur la loi naturelle, peuvent très bien être le fruit des superstitions, des dictats du pouvoir ou des rapports de force du moment.

Le droit naturel émerge certes spontanément dans toute sa complexité, mais il nécessite une découverte préalable de la loi naturelle et un personnel juridique et politique soucieux de son respect.

Les travaux de Hayek sur l’ordre spontané apportent de toute manière un éclairage très intéressant sur l’émergence du droit naturel. Son appartenance -ou non- à la tradition du droit naturel est une excellente source d’inspiration pour les doctorants en panne de sujets.

Etape 4 Droit naturel versus droit positif ?


La loi positive s’appelle ainsi non parce qu’elle met les avocats de bonne humeur le matin, mais parce qu’elle est la loi posée et imposée par les Etats. C’est la loi à laquelle nous avons à faire tous les jours, du code civil au code pénal.

La majorité des partisans du droit naturel reconnaissent et acceptent le rôle de la loi positive… Simplement ils affirment qu’elle ne peut être bonne qu’à condition de se conformer au droit naturel.
Les partisans du droit naturel ne sont donc pas des adversaires des lois positives, ils sont les adversaires des positivistes. Pour les positivistes une loi est légitime à partir du moment où elle se conforme à des règles de cohérence interne et de formalisme ainsi qu’à la légitimité de l’organisation qui l’a posée (un Etat donc).

Pour les partisans du droit naturel, la cohérence est effectivement nécessaire mais elle n’est pas suffisante pour assurer la légitimité d’une loi. Pas davantage que son origine -un Etat-, même démocratique. La démocratie n’est qu’un moyen -le pire à l’exception de tous les autres- d’éviter la profusion de lois illégitimes, mais elle n’est pas une source de légitimité. Les lois racistes de la ségrégation étaient des lois « démocratiques ».  Une loi est légitime lorsqu’elle est conforme au droit naturel.

Une partie importante de la loi positive est d’ailleurs conforme à cette définition. La Déclaration des Droits de l’Homme de 1789 a une jolie influence.

Actuellement, notre classe politiques étatiste considère avec de plus en plus de légèreté que la loi peut être tout ce que leur imagination fertile invente, c’est-à-dire une longue litanie de commandements à destination des citoyens-sujets.

Au XX ème siècle, les totalitarismes ont été les principaux adversaires du droit naturel, au XXI ème ce sont les Etats-Nounous qui ont pris le relais avec un enthousiasme inquiétant.

 « La loi humaine est portée par la multitude des hommes, et la plupart d’entre eux ne sont pas parfaits en vertu. C’est pourquoi la loi humaine n’interdit pas tous les vices dont les hommes vertueux s’abstiennent, mais seulement les plus graves, dont il est possible à la majeure partie des gens de s’abstenir ; et surtout ceux qui nuisent à autrui »
 Thomas d’Aquin

 » Des normes qui prescrivent un comportement humain ne peuvent provenir que de la volonté.
Et cette volonté ne peut être qu’une volonté humaine si nous excluons des spéculations métaphysiques; La raison humaine peut comprendre et décrire ; elle ne peut pas prescrire. »
Hans Kelsen (Théoricien du positivisme)

La bonne loi est une loi conforme au droit naturel. C’est-à-dire des règles universelles permettant à chacun de savoir ce qu’il peut faire ou ne pas faire pour respecter ses obligations vis-à-vis des autres.

Une bonne loi, c’est comme le code de la route. Cela permet à chacun de savoir ce qu’il doit faire pour éviter un accident mais cela ne préjuge pas de la destination, de l’heure de départ de chacun ou des objectifs personnels que chacun poursuit en circulant.
C’est un ensemble de règles cohérentes entre elles qui permettent de gérer un nombre inouï de situations, de relations différentes sur des dizaines de milliers de km de route, qui permet de déterminer les torts en cas d’accident.  Cela concerne des personnes adultes, égales en droit et responsables.

 La mauvaise loi, c’est un commandement. Un ordre. Une instruction applicable à une situation donnée et précise. C’est « il faut aller à tel endroit, à telle heure. ». Cela implique un chef responsable qui décide et pense pour des subalternes obéissants.

La mauvaise loi, c’est une loi qui viole l’égalité. Par exemple : les voitures blanches doivent céder la priorité aux voitures vertes.

Nous vivons actuellement dans une forêt de mauvaises lois, une jungle dense de commandements infantilisants, précis et contradictoires, des épaisses couches technocratiques et autoritaires  « met ton détecteur de fumée, arrête de boire,  ne pense pas ça, échange ceci contre ça et pas autre chose, les femmes doivent avoir 40% de tel poste et les noirs 10%, cotise à telle sécu, subventionne telle radio d’Etat, n’achète pas de la viande d’Argentine  ».

Au milieu de cette végétation griffue, l’idée de Justice entre hommes égaux, libres et responsables a complètement disparue.

C’est le triomphe des commandements sur le Droit.

Ce n’est pas une nouvelle batterie de lois qu’un gouvernement soucieux de la justice devrait promettre. C’est du désherbant.

Etape 5 : Le législateur


Pour le législateur soucieux de respecter le droit naturel, poser une nouvelle loi ou en modifier une ancienne est donc un exercice lourd, compliqué et grave.

Poser une loi, c’est poser un fusil sur la tempe de dizaines de millions de personnes pour les forcer ou leur interdire de faire ce qu’ils auraient peut-être choisi de faire sans ce fusil.

C’est un fusil même pour des décisions insignifiantes. Vous pouvez essayer  de refuser de payer une contravention, une fois, deux fois. Un homme en uniforme vous apportera une lettre recommandée. Si vous refusez toujours de payer, tôt ou tard un huissier viendra vous voir, puis reviendra avec la police. Si vous résistez à la police, tôt ou tard, vous finirez par vous trouver face à un fusil.

Poser une loi est donc un acte grave. Nous devrions avoir des chirurgiens du cerveau. Des chirurgiens soucieux et conscients de leurs responsabilités,  plongés dans de longues réflexions..
Cette loi est-elle juste ?
Permettra-t-elle de nouer des relations justes ou est-ce un commandement infantilisant?
Est-elle vraiment nécessaire ?

Nous devrions avoir des chirurgiens du Droit perdant des nuits de sommeil sous le poids de cette responsabilité immense : braquer un fusil sur la tempe de dizaines de millions de personnes.
Nous avons des cowboys bourrés qui entrent dans le saloon et tirent dans tous les coins en hurlant des insanités.
Nous avons des ministres qui à peine en poste ont déjà pondu cinq textes sans queue ni tête à annoncer au journal de 20 heures.
Nous avons des députés votant sans sourciller des textes interminables, contradictoires, illisibles pour gérer la taille des canines des hamsters nains sauvages des Pyrénées.
Nous devrions avoir des shérifs de la qualité législative, sobres, calmes et rigoureux. Et nous nous retrouvons obligés de nous planquer, de ramper ou de danser en permanence pour éviter les balles perdues de ces cowboys bourrés démagogiques.

Aujourd’hui, ceux qui devraient être garants de l’ordre sont les principaux pourvoyeurs de chaos et d’injustice.

« Le législateur se fatigua, il fatigua la société, pour faire exécuter aux hommes par précepte, ce que ceux qui aiment la perfection auraient éxécuté comme conseil. »
Montesquieu – De l’Esprit des lois

 

La racine du jusnaturalis vient de « jus » (Et c’est du latin…)

Ca n’a rien à voir avec le liquide orange que l’on boit matin chez les gens en bonne santé ou le liquide noir que l’on se jette chez les gens habillés en kaki.

Jus vient de iurare, qui veut dire jurer, parler solennellement.
Et comme l’on parle rarement tout seul ou à un poisson rouge, il s’agit d’une relation avec une autre personne capable de comprendre cette promesse.

Le jusnaturalis, le droit naturel, c’est donc l’ensemble des relations que peuvent nouer des personnes dotées de raison et égales entre elles : les contrats.

A contrario le jusnaturalis ce n’est donc pas les relations de commandements par la force entre personnes inégales… Par exemple un étatiste-dirigeant qui ordonne à des citoyens-enfants ce qu’il faut fumer ou pas, signer comme comme contrat ou pas etc…

A l’opposé du Droit naturel/jusnaturalis, Loi  vient de « Lex » qui est à l’origine un terme militaire romain.
Il est de la famille de « Dilectus » qui signifie lever une armée, choisir des soldats. Il implique une relation verticale de commandement. Un Général d’un côté qui donne des ordres à des soldats de l’autre.

La justice

La justice est un mot qui se tient tout seul. Il n’a pas besoin d’être adossé à un autre pour avoir du sens.

Comme l’expression « musique militaire », lorsque l’on rajoute quelque chose à justice c’est en général pour dire quelque chose qui n’a plus grand chose à voir avec la justice. Justice sociale par exemple.

La justice, c’est l’application du droit naturel, conforme à la loi naturelle et à la nature humaine, universellement accessible par la droite raison. La Justice est universelle, égale pour tous et se dispense de commandements.

La Justice sociale, c’est un marécage constructiviste qui consiste principalement à fouler aux pieds la justice pour flatter l’égo des étatistes en prétendant aider les plus pauvres.

La justice sociale n’est ni juste, ni sociale. Elle usurpe le nom de justice pour cacher un nombre incalculable de décisions arbitraires et de faits du prince.
La recherche de la justice est un idéal accessible. La justice sociale est un  chapeau sans fond d’où les étatistes sortent continuellement de nouvelles idées pour augmenter leur pouvoir. En substituant à la justice la justice sociale comme horizon politique indépassable, ces derniers se rendent toujours plus indispensables au détriment de l’harmonie dans la société.

Les pauvres comme chaque individu de la société n’ont pas besoin de justice sociale, de justice raciale, de justice sexuelle, de justice environnementale, de justice ceci ou cela et tous les ersatz que pondent quotidiennement les étatistes pour se faire mousser. Ils ont besoin de la Justice.

La Justice, c’est-à-dire le respect de la vie, l’individualité, la raison de chaque individu, favoriser les relations respectueuses des droits naturels de chacun.

« Ce qui est complétement insensé, c’est de considérer comme étant « juste » tout ce qui figure dans les institutions et les lois des peuples ou mêmes les lois portées par les tyrans. »
Ciceron -Traité des lois.
« Quand quelqu’un viole les lois de la nature, il déclare, par cela même, qu’il se conduit par d’autres règles que celles de la raison et de la commune équité, qui est la mesure que Dieu a établie pour les actions des hommes, afin de procurer leur mutuelle sûreté, et dès lors il devient dangereux au genre humain; puisque le lien formé des mains du Tout-Puissant pour empêcher que personne ne reçoive de dommage, et qu’on n’use envers autrui d’aucune violence, est rompu et foulé aux pieds par un tel homme. »
John Locke – Traité de gouvernement civil

Il va de soi que tous les êtres humains ne respectent pas le droit naturel.
Soit parce qu’ils l’ignorent, soit parce qu’ils le connaissent mais ne veulent pas en tenir compte parce qu’il pensent qu’ils peuvent s’en sortir après l’avoir violé.

Pour les partisans du droit naturel, cela n’a rien de surprenant..Les imbéciles, les méchants ou les vicieux existent.

Mais un homme qui ne respecte pas le droit naturel, c’est-à-dire qui ne souhaite pas vivre en harmonie avec ses semblables peut difficilement exiger que l’on respecte en retour ses droits naturels. Un homme qui ne respecte pas le droit naturel, c’est-à-dire ne fait pas usage de sa raison pour respecter les autres, s’éloigne de l’humanité pour se rapprocher des bêtes. Et il peut en conséquence être privé de sa liberté ou de sa propriété, c’est-à-dire emprisonné ou obligé de payer une amende par un Etat violant ainsi ses droits.

Finalement les principales violations du droit naturel ne viennent pas des individus entre eux, mais bien de l’Etat vis-à-vis des individus.

Les étatistes considèrent en effet que l’Etat est une entité magique au-dessus du Droit. Cette vision en cela est pire que celle de l’Ancien Régime. Le roi lui-même n’était pas au-dessus du Droit. Il n’avait pas le pouvoir de changer la loi, la coutume.

L’Etat moderne oui.

En permanence des hommes politiques expliquent qu’ils vont prendre à tel groupe d’individus pour donner à tel groupe d’individus, qu’ils vont limiter la liberté de tel groupe d’individus  pour avantager tel groupe d’individus, qu’ils vont commander à l’ensemble de la population des choix que chaque individu pourrait faire lui-même. Avec le ton de la parfaite évidence.

Il n’y a plus aucune notion de justice, de relations d’égalité entre individus, il n’y a plus que des règlementations, des diktats constamment modifiés régissant précisément les rapports entre groupes d’individus.

L’Etat Nounou casse ainsi les relations entre individus, seul socle duquel émerge une société harmonieuse, pour les remplacer par des commandements vers une population infantilisée.

Il n’y a plus que des groupes antagonistes cherchant à capter les faveurs du parti au pouvoir et l’attention des médias par la menace ou la pleurnicherie.

L’étatisme par son mépris du droit naturel créé donc une société envieuse, acariâtre, défiante et pessimiste… composée d’individus de moins en moins capables d’imaginer que c’est eux et eux seuls, et les relations justes qu’ils nouent, qui peuvent créer et favoriser une société harmonieuse.

Conclusion

Comme M Jourdain fait de la prose, beaucoup de gens font du droit naturel sans le savoir.

De l’enfance à l’age adulte, « ce n’est pas juste » est une phrase universelle… une attente cruciale pour la vie dans toute société dès la cour de maternelle.

Cela ne signifie pas que toutes les frustrations, les jalousies ou les souffrances soient des injustices. Seuls l’usage de la raison, l’observation de la nature de humaine peuvent le déterminer.

La tradition du droit naturel a pris le taureau par les cornes et a commencé l’exploration de cet immense domaine.

Toutes les théories qui en sont issues partagent –malgré des divergences- un certain nombre de conclusions :
–    La justice préexiste à l’Etat et toutes les lois posées par le législateur doivent s’y conformer.
–    La raison permet de découvrir la justice, le droit naturel, la loi naturelle.
Elle n’invente pas la justice, elle découvre quelque chose qui ne dépend pas d’elle.
–    Les Hommes sont des individus libres, égaux, autonomes, doués de raison et vivant en société. Le droit naturel permet l’émergence d’une société respectant ces caractéristiques.

Les théories du droit naturel ne sont pas achevées, mais chacune d’entre elles est finalement plus aboutie que les théories niant l’existence d’une justice universelle conforme à la nature de l’Homme.

Les adversaires du droit naturel, qu’ils soient relativistes, nihilistes ou simplement sceptiques débouchent sur des contradictions bien plus conséquentes que les difficultés liées à la démarche du droit naturel… Et souvent ne tirent pas les conséquences de leurs propres théories pour leur vie personnelle comme pour la politique qu’ils défendent. Des gros bouts de droit naturel sont conservés discrètement en creux.

La tradition du droit naturel est aujourd’hui oubliée, mais elle est le dallage sur lequel notre civilisation a émergé et se maintient encore aujourd’hui. Heureusement, il y a encore de beaux restes…

De beaux restes mais pas assez. Et beaucoup de nos difficultés qu’elles soient sociales, morales ou économiques viennent de cet oubli. Il est probable que le droit naturel chassé par la porte revienne par la fenêtre dans les prochaines décennies.

« C’est pas juste » a de l’avenir, et cet avenir passera forcément par les connaissances déjà accumulées dans ce domaine… la tradition du droit naturel.

« La raison pour laquelle on entre dans une société politique, c’est de conserver ses biens propres; et la fin pour laquelle on choisit et revêt de l’autorité législative certaines personnes, c’est d’avoir des lois et des règlements qui protègent et conservent ce qui appartient en propre à toute la société, et qui limitent le pouvoir et tempèrent la domination de chaque membre de l’État. ../….

Toutes les fois donc que la puissance législative violera cette règle fondamentale de la société, et, soit par ambition, ou par crainte, ou par folie, ou par dérèglement et par corruption, tâchera de se mettre, ou de mettre d’autres, en possession d’un pouvoir absolu sur les vies, sur les libertés, et sur les biens du peuple, par cette brèche qu’elle fera à son crédit et à la confiance qu’on avait prise en elle, elle perdra entièrement le pouvoir que le peuple lui avait remis pour des fins directement opposées à celles qu’elle s’est proposées, et il est dévolu au peuple qui a droit de reprendre sa liberté originaire, et par l’établissement d’une nouvelle autorité législative, telle qu’il jugera à propos, de pourvoir à sa propre conservation, et à sa propre sûreté, qui est la fin qu’on se propose quand on forme une société politique. »
John Locke – Traité de gouvernement civil