Le juste prix

Le problème du juste prix a beaucoup occupé les théologiens, les philosophes puis les économistes pendant des siècles.

Les prix sont-ils justes ?

Apparemment non..

Dix grammes d’or valent plus qu’un litre d’eau..  alors que manifestement, pour vivre un être humain a davantage besoin d’eau que d’or. C’est absurde.

Une heure de travail pénible en plein soleil est payée parfois moins qu’une heure de travail dans la fraîcheur d’un  bureau. Alors que manifestement le travail en plein soleil devrait être mieux payé que le travail à l’ombre.
C’est injuste.

Un système absurde et injuste mérite bien une petite remise à plat après des siècles et des siècles d’hésitations. Il suffit de déterminer la valeur objective des biens et de bâtir une belle organisation fixant les prix de manière scientifique et planifiée. Et pouf, pouf, les prix deviendront rationnels et justes.

Bien avant que ce tour de magie socialiste ne fasse sortir de son chapeau des files d’attente devant des magasins justes, rationnels et vides, des économistes au XIX eme siècle puis au début du XX eme ont compris que le problème de la valeur et des prix avait été mal posé.

     

« Nous connaissons maintenant la substance de la valeur : c’est le travail. Nous connaissons la mesure de sa quantité : c’est la durée du travail. »
Karl Marx
« Les économistes bourgeois, soucieux de masquer la vraie source de l’enrichissement des capitalistes, affirment fréquemment que ce surplus provient de la circulation des marchandises. Affirmation gratuite ! En effet, si l’on fait l’échange de marchandises et d’argent d’égale valeur, c’est-à-dire d’équivalents, aucun des possesseurs de marchandises ne peut tirer de la circulation une valeur plus grande que celle qui est incorporée dans sa marchandise. »
Manuel d’économie politique. Académie des sciences de l’U.R.S.S.
Edition de 1955.

 

Superdupond peut chercher longtemps, il ne trouvera pas le juste prix dans la composition du camembert.

Une première grande famille de pensée (à laquelle appartient Karl Marx, mais pas seulement) considère que la valeur est un attribut objectif incorporé dans le bien. Un camembert a donc en plus de sa forme et de sa couleur, une caractéristique invisible qui apparaît dans son prix : la valeur.

Ainsi pour les biens reproductibles et interchangeables comme un camembert anonyme, cette valeur provient du travail humain qui a été incorporé dedans. Plus il y a de travail, plus la valeur du camembert est importante.

Oui, mais si quelqu’un s’amusait à fabriquer un camembert en versant le lait avec une petite cuillère au lieu d’une louche, le travail incorporé dans ce camembert serait beaucoup plus important… Sans pour autant que le prix de ce camembert ne change le moins du monde.

Pour les biens non reproductibles comme une œuvre d’art, toujours selon cette famille de pensée économique, la valeur provient de sa rareté. Un camembert touché par Marcel Duchamp par exemple, devient un camembert rare, donc très cher.

Oui mais un camembert touché par Jean Dupond, votre voisin de palier, est aussi un camembert rare (Jean Dupond est aussi unique que Marchel Duchamp) et pourtant elle n’a aucune valeur à Sotheby´s.

Ces deux objections, pourtant connues dès la fin du XIX eme siècle, n’empêcheront pas les socialistes de bâtir toute leur organisation économique sur une valeur « objective » des biens, avec le succès phénoménal que l’on connaît.

 

La valeur

Pour les économistes de l’Ecole Autrichienne (entre autres), la valeur d’un objet ou d’un service est subjective.

Le valeur ne dépend donc pas d’une caractéristique intrinsèque de l’objet ou du service ni de la peine nécessaire pour produire cet objet, mais du regard que chaque personne porte sur cet objet ou service.

Le vendeur estime ‘sa’ valeur subjective de l’objet en fonction du temps ou des autres objets ou services auxquels il a du renoncer pour produire cet objet et de son attachement sentimental pour lui.
L’acheteur évalue ‘sa’ valeur subjective de l’objet en fonction du temps ou des autres objets auxquels il va renoncer pour se procurer cet objet ainsi que du bien être que devrait lui procurer cet objet..

Pour que l’échange se fasse, il ne faut donc pas que les valeurs subjectives de l’acheteur ou du vendeur coïncident, au contraire il faut que chacun considère que la valeur subjective qu’il gagne est supérieure à la valeur subjective qu’il perd.

 
« L’évaluation telle que peut la pratiquer un acteur isolé (Robinson Crusoé ou un état-major socialiste de direction pour la production) ne peut jamais aboutir à dégager quelque chose comme une cotation de valeur. Une évaluation peut seulement ranger les biens par ordre de préférence. Elle ne peut jamais attacher à un bien ce qu’on pourrait appeler une quantité ou une grandeur de valeur. Il serait absurde de parler d’une somme d’évaluations ou de valeurs »
Ludwig Von Mises – Action Humaine

 

« Mais c’est s’illusionner ou tromper autrui que d’appeler de tels souhaits et jugements arbitraires de valeur, la voix de la vérité objective. Dans l’agir des hommes, rien d’autre ne compte que les désirs des divers individus de parvenir à certaines fins. En ce qui concerne le choix de ces fins, il n’est pas question de vérité, ce qui compte seulement c’est la valeur. Les jugements de valeur sont toujours subjectifs, qu’ils soient formulés par un seul homme ou par un grand nombre d’hommes, par un cancre ou un professeur, ou un homme d’État. »
Ludwig Von Mises – Action Humaine

Pour un amateur de bon vin, la valeur d’une gorgée d’un bon vin n’est pas quantitative. Elle ne peut pas s’exprimer sous forme de chiffres. Il s’agit d’un plaisir gustatif, de la tranquillité d’un rituel connu, de la convivialité attachée à la dégustation d’un verre entre amis, de la satisfaction d’un connaisseur. Rien que des bonnes choses directement rattachées à la bouteille, mais qui sont strictement personnelles et subjectives.

Il n’y a donc pas de valeur objective du grand cru lié  :

– à l’utilité de la bouteille,
Un amateur de bière n’a aucun goût pour un bordeaux.

– Au temps ou à l’effort du vigneron
Si ce temps est mal employé, si ce vigneron n’a pas de savoir-faire ou les mauvaises méthodes de travail, la bouteille n’aura pas de succès dusse t-il se tuer au travail

– Ni même à une qualité gustative du grand cru.
Un amateur pas éclairé peut acheter une bouteille de grand cru parce qu’un critique américain lui a dit que c’était bon alors que c’est même pas vrai : il sent trop le chêne ce pinard. Ce grand cru lui procurera tout de même du bien-être en lui donnant la sensation (fausse) d’appartenir à un club de connaisseurs.
 
L’acheteur n’achète pas un grand cru, il achète le bien-être que le grand cru devrait lui procurer.

La valeur n’est pas dans les choses, mais dans le regard que porte chaque personne sur les choses. Il ne peut pas y avoir de juste prix attaché intrinsèquement à une chose, en fonction par exemple de la peine ou des matériaux qu’on a mis dedans, puisque c’est le regard de chaque personne qui donne de la valeur à cet objet, et un accord entre deux personnes à un moment donné qui fixe le prix.

Le prix

Le prix est l’un des montants numéraires possibles pour que l’échange se fasse, c’est-à-dire l’un des montants numéraires qui fait que les deux personnes sur le point de faire l’échange considèrent que leur situation sera plus souhaitable après l’échange qu’avant l’échange.

Le prix n’apparaît donc qu’à l’occasion d’un échange entre deux personnes. Sans échange, pas de prix.

Robinson Crusoé ne connaît le montant numéraire d’aucun des objets qui l’entoure. Pour fixer le prix d’un objet, il faut être deux. : un acheteur et un vendeur.

Sans échange libre, pas de prix juste.

De même un match de foot est juste, quelque soit le vainqueur si l’arbitrage a été juste, pour les libéraux, un prix est juste lorsque des principes permettant l’échange ont été respecté (pas de coercition, contrats libres, Etat de Droit) quelque soit le prix fixé finalement par les personnes libres.


« Si, sans fraude, monopole ou autres irrégularités, une chose s’est trouvée être communément vendue dans une certaine région ou localité à un certain prix, ce prix doit être considéré comme mesure et règle pour estimer le prix juste de cette région.
Le prix est dit « naturel » parce qu’il résulte de la chose même sans égard aux lois et décrets, et qu’il dépend de maintes circonstances qui le modifient, telles que les sentiments des gens, leur estimation des différents usages, souvent même selon les humeurs et plaisirs. »
Luis de Molina – (1535-1600) Théologien  – Ecole de Salamanque..toujours quelques siécles d’avance…-

« Mais si le gouvernement fixe les prix à un niveau autre que celui qu’aurait fixé le marché laissé à lui-même, cet équilibre de l’offre et de la demande est perturbé.
 ../…
Un principe différent doit forcément entrer en jeu pour l’attribution des biens et services concernés, et pour la sélection de ceux qui recevront une portion du volume disponible. Ce principe peut être que seuls les premiers venants pourront être servis, ou que seuls le seront les gens auxquels une circonstance spéciale (par exemple des relations personnelles) confère une position privilégiée, ou encore seuls les gaillards sans scrupules qui chassent du partage leurs rivaux par l’intimidation ou la violence. Si l’autorité ne souhaite pas que ce soit la chance ou la violence qui définisse la répartition du disponible, et que le chaos s’ensuive, elle doit réglementer elle-même le montant que chaque individu est en droit d’acheter. Elle doit recourir au rationnement « 
LW. Mises – Action Humaine

L’Etat socialiste tente parfois de créer des justes prix, comme le Dr Frankenstein a créé la vie.
Dans les deux cas, les résultats sont mitigés.

Un prix juste ne signifie pas que les personnes ayant échangées soient toutes les deux parfaitement satisfaites du prix qui a permis l’échange.

Cela ne signifie pas non plus qu’au delà du bien ou du service échangé, ce prix juste va permettre aux personnes d’améliorer tous les aspects de leur vie.

Cela signifie plus modestement, que les règles d’échanges ont été respectées.

Fixer un prix selon des critères de ‘résultats’ nécessiterait de connaitre les besoins réels, les goûts subjectifs, les mérites ou les efforts de chaque personne, de tenir compte des effets indésirables d’une augmentation des prix d’un service ou détriment des autres, et enfin d’interdire ou de forcer les personnes à faire l’échange.


C’est un travail que seul un Dieu pourrait espérer accomplir correctement (et encore, un Dieu pas tellement intéressé par la liberté de ses créatures).


Lorsque l’Etat s’y risque, cela donne des petits Frankeinstein qui hurlent dans la campagne. Les braves paysans les évitent et des pénuries se créent.

La valeur versus le prix

La confusion entre le prix et la valeur rend la vie très difficile à certains nouveaux riches ou anciens marxistes.

A défaut de valeurs propres, certains nouveaux riches considèrent qu’un objet cher a forcement beaucoup de valeur. Les malheureux sont obligés de mettre à leur murs des tableaux moches mais chers, admirer des hommes médiocres mais riches ou porter des vêtements qui grattent mais chers.

Leurs compagnons d’infortunes, les néo-marxistes sont eux aussi convaincus que les prix doivent refléter la valeur. Ils enragent devant la bêtise de ce monde où les prix n’obéissent pas à leur vision du juste. 

Les néo-marxistes utilisent cette confusion pour justifier la collectivisation de certaines activités. La culture n’est pas une marchandise, donc il faut que l’État fixe des justes prix.

Si les néomarxistes n’étaient pas matérialistes comme les nouveaux riches, ils ne confondraient pas la valeur (subjective) d’une émotion ressentie lors d’une représentation réussie et le prix d’un ticket de théâtre ; montant numéraire acceptable d’une part pour les spectateurs, d’autre part pour les acteurs.

« Estimer un prix doit être clairement distingué d’attacher de la valeur. »Ludwig Von Mises – Action Humaine
 
« Qu’est-ce qu’un cynique ? C’est un homme qui connaît le prix de tout et la valeur de rien. »Oscar Wilde
 
« Nous devrions bien être conscient du fait que si nous considérons qu’un homme est digne d’une grande récompense matérielle, cela ne le rend pas nécessairement digne d’estime.
Et, bien que nous nous trompions souvent à ce propos, cela ne signifie pas pour autant que cette confusion est un résultat nécessaire du système de la libre entreprise, ni que, de manière générale, le système de la libre entreprise est plus matérialiste que les autres ordres sociaux…/…
Il est sûrement injuste de reprocher à un système d’être plus matérialiste parce qu’il laisse l’individu décider s’il préfère les gains matériels à d’autres types de distinctions, au lieu que quelqu’un d’autre décide pour lui. Ce n’est que lorsqu’une personne peut choisir par elle-même de faire un sacrifice matériel qu’elle mérite d’être honorée. Le désir d’être soulagé du choix, et de toute exigence de sacrifice personnel, ne parait pas être particulièrement idéaliste. »
F.A. Hayek – La composante morale de la libre entreprise.

« On ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux. »

Pour faire une analyse économique aussi lucide, le petit prince est sans nul doute un libéral de l’École Autrichienne.

Cela étant, le petit prince connait la valeur de chaque chose, mais il ne connait le prix d’aucune, il ne dépend pas des échanges indirects et de la division du travail pour vivre.

Sinon en plus de la valeur, il saurait qu’une peau de renard, ça fait 75 euros, un gigot de mouton 45 euros, une petite planète constructible, bien illuminée, plomberie à refaire 354 000 euros. (Ça a augmenté, c’est de la folie.)

Le prix est une information qui permet d’échanger, d’arbitrer et coopérer entre personnes libres de manière efficace, dans le cadre de la division du travail et des échanges indirects. A ce titre, il est la manière la plus efficace pour orienter la production au plus proche des souhaits des personnes.

Mais, il ne se substitue en aucun cas à une échelle de valeur sentimentale, humaniste, artistique, hédoniste, religieuse…

Oublier ou ne connaitre aucune autre échelle de valeurs que les prix est le plus sur moyen de ressembler au business man (Vous croyez qu’il gagne combien .?) ou d’avoir une petite nausée nihiliste les soirs de fatigue…

Le prix plancher

Le prix plancher, officiellement, c’est l’État qui, par la seule force de sa volonté, fixe un prix minimum juste et beau à un bien ou un service. (par exemple certains prix agricoles, les prix des livres, le salaire minimum).

C’est très beau, le paranormal au service du juste et du beau. Malheureusement depuis la pierre philosophale nous savons tous que la création de richesses par simple contact d’une pierre magique ou d’un texte de loi, c’est rare.

L’État est totalement incapable de fixer un prix minimum à une catégorie d’échanges. L’État ne fixe rien du tout. Il se contente d’interdire l’existence d’échanges de biens ou de services en dessous d’un prix donné.

Cela ne signifie absolument pas qu’il a créé ex-nihilo des nouveaux échanges à un autre prix pour remplacer ceux dont il a empêché l’existence.

« Il n’existe aucun moyen d’élever les taux de salaires pour tous ceux qui désirent gagner leur vie comme salariés, au-dessus du niveau déterminé par la productivité de chaque espèce de travail.
Ce que les cartels réussirent fut simplement de contrebalancer les gains apparents en salaires nominaux, par un relèvement corrélatif des prix intérieurs.
Mais le plus désastreux effet des fixations de salaire minimum — le chômage massif permanent — fut pour un temps évité. »
Ludwig Von Mises – Action Humaine

Discours du fin de banquet
de l’amicale des hommes politiques étatistes dirigistes français.
(Stade de France)


 (Voix pâteuse) Hic ! Constatant que de nombreuses relations amoureuses ne sont pas satisfaisantes, que ce soit sur un plan d’écoute, de respect, de disponibilité comme sur un plan d’harmonie sexuelle, l’État bienveillant a décidé d’interdire toute relation ne garantissant pas une durée minimum de 20 minutes d’écoute sincère par jour, un nombre minimum de 3 bisous par soirée et de 2 coits par semaine. Hic ! (Murmures approbateurs)


Hic ! Cette mesure forcera bien sûr certaines personnes à être célibataires plutôt que mal accompagnées mais c’est dans leur intérêt : L’État dispose des critères moyens permettant de déterminer ce qu’est une relation de qualité beaucoup mieux que ne peut le faire chaque personne avec sa propre vision subjective. Hic ! (Murmures approbateurs)

 

Hic ! Cette mesure est liberticide, mais sacrifier votre liberté à l’État, (applaudissements enthousiastes)…..MAIS SA-CRI-FIER votre liberté à l’Etat… (Longs applaudissements)..merci.. (longs applaudissements, standing ovation) …merci..merci… MAIS sacrifier votre liberté à l’Etat, ça aide les plus faibles surtout si on le croit très fort. (applaudissements).  Les marabouts africains font la même chose en sacrifiant des poulets depuis la nuit des temps pour le plus grand bénéfice des plus faibles en amour et ça marche. (applaudissements)

Le prix plafond

Si les personnes libres allaient de toute manière faire cet échange à ce prix, l’intervention de l’Etat ne sert à rien.

Si l’une des parties ne comptait pas faire l’échange en dessous de ce prix minimum, l’Etat la force soit :
– à renoncer purement et simplement à cet échange. Pour le plus grand dommage des deux parties qui auraient fait l’échange en son absence.
– à payer ce prix, mais en prélevant des ressources sur d’autres postes de dépenses (qui ne profiteront donc pas à d’autres personnes aussi honorables que celles favorisées par le prix minimum.)
– à réaliser tout de même la transaction mais en passant par le marché noir.

Aider les plus faibles revenus est possible, le faire en fixant un salaire minimum est une absurdité économique. Absurdité dont même les étatistes ont bien conscience puisqu’ils multiplient les passe-droits (stages, emplois aidés en tout genre).

 

« Son erreur intellectuelle [du salaire minimum] ne consiste pas seulement à confondre une interdiction de travailler avec une garantie de revenu. Elle procède aussi d’un raisonnement mécanique qui nie la réalité des hommes et des emplois en niant leur diversité, ainsi que leur amélioration avec le temps.
 L’approche statisticienne des technocrates parle de « travail non qualifié » comme s’il s’agissait d’un matériau indifférencié. Construction intellectuelle triplement choquante qui, en niant trois fois la réalité des personnes, pousse inexorablement l’esprit à accepter leur exclusion de la société des hommes :
a) Elle nie leur existence morale en acceptant cette notion absurde d’une absence de qualification qui leur dénie logiquement toute capacité productive, les rayant par implication de l’espèce humaine.
b) Elle bafoue leur dignité et sape les fondements du Droit en évoquant une rémunération minimum pour cette prétendue absence de qualification.
c) Enfin, elle nie une troisième fois leur être par cette seule notion d’un travail indifférencié. Être, c’est toujours être quelque chose. Savoir, c’est toujours savoir une chose et pas une autre. »
 Pascal Salin – Le SMIC la machine à exclure

 

..Suite du discours..

 


Hic !  Cette mesure empêchera les débutants de progresser puisqu’ils n’auront pas de premières expériences. Heureusement l’État n’est pas borné. Ce qui est interdit peut devenir obligatoire.  (applaudissements) Les jeunes seront donc forcés d’accepter des relations en dessous des critères obligatoires. Ça s’appelle un stage et c’est pour leur bien. (applaudissements)


Hic ! Cette mesure ne créera pas une seule relation de qualité supplémentaire, l’État est incapable de les créer. Seules les personnes libres peuvent nouer de telles relations. Mais l’Etat,  en empêchant l’existence de relations de mauvaise qualité a fait la moitié du travail. Hic !


Hic ! Si les personnes libres (sifflets) ne sont pas ensuite à la hauteur pour s’entre proposer des relations au niveau des justes critères de l’Etaaaâaat (applaudissements), est-ce la faute de l’Etaaââât ? Hic ! (non ! Non ! Non !)


Hic ! Les personnes rendues célibataires par cette mesure n’ont qu’à s’en prendre aux autres personnes libres (sifflets) incapables de leur offrir des relations répondant aux justes critères de l’Etat. (applaudissements. Vivats.)


Hic !  Cette mesure fera croire aux personnes qui vivent des relations amoureuses égales ou au-dessus des critères minimums, qu’elles le doivent à l’État. (‘ouiiiii’) Tant mieux. Les personnes doivent tout à l’État,  même lorsque l’Etat n’y est pour rien. Hic ! (applaudissements..standing ovation !!)

 

Le prix plafond 2

Fixer un prix plafond (sur le logement par exemple) sur une ressource rare n’abolit pas la rareté de la ressource. Quoiqu’en disent les hommes politiques, ils n’ont pas un chapeau magique d’où sortent des lapins à volonté permettant de faire baisser le prix de ces derniers.

Pour faire baisser le prix des lapins fixés entre personnes libres, il ne suffit pas de déclamer une formule magique ‘Lapin, soit moins rare !-‘ même avec le vocabulaire ronflant, technique et incompréhensible d’une mesure administrative.

Lorsqu’un bien ou un service est rare, il y a trois manières de le partager :

 – La violence, le plus gros tape sur le plus petit et prend le bien rare. (Méthode longtemps utilisée alors même qu’elle fait très mal. Mais c’était avant le libéralisme et la reconnaissance du Droit à la propriété.)

 – La queue. Spécialité soviétique ou des HLM : le premier arrivé, premier servi. J’y suis, j’y reste. (enfin « premier arrivé, premier servi » c’est seulement pour les plus faibles ou les plus honnêtes. Les passe-droits, les petites enveloppes ou les coups médiatiques permettent aux plus forts ou aux plus grandes gueules de s’épargner ce genre de désagrément.)

 – Les prix. Chacun en fonction de son envie subjective, de ses moyens, de ce qu’il est prêt à échanger et des envies subjectives des autres, accepte ou non de faire la transaction. Lorsque beaucoup de personnes veulent des lapins ou des logements plus grands, d’autres personnes libres changent d’activité pour leur fournir davantage de lapins ou de logements.

Dans une organisation humaine, il n’existe pas de quatrième méthode magique, juste, omnisciente et bonne permettant d’affecter des biens rares.

En fixant un prix plafond, l’Etat n’abolit en aucune façon la rareté du bien visé. Il ne repartit pas non plus les biens selon une quatrième méthode. Il se contente de changer le mode d’attribution du bien en faveur d’une méthode d’attribution en tous points  inférieure à celle des prix : la violence ou la queue et ses passe-droits.

Et il empêche le seul processus capable de faire réellement diminuer la rareté de ce bien : faire en sorte que davantage de personnes libres, attirées par l’augmentation du prix, consacrent leur travail, leur intelligence et leur imagination à la production de davantage de lapins euh de biens.

« L’Histoire est un long répertoire de prix-plafonds et de lois contre l’usure.
A de nombreuses reprises des empereurs, des rois, des dictateurs révolutionnaires ont tenté de s’immiscer dans les phénomènes de marché. Des punitions sévères ont été infligées aux réfractaires, négociants et cultivateurs.
 
Bien des gens ont été victimes de poursuites rigoureuses qui soulevaient l’approbation enthousiaste des foules.
 
Rien n’y fit, toutes ces entreprises ont échoué. L’explication que les écrits des juristes, des théologiens et des philosophes offraient de cette faillite s’accordait pleinement avec les opinions des dirigeants et des masses. L’homme, disaient-ils, est intrinsèquement égoïste et pécheur, et les autorités étaient malheureusement trop indulgentes en faisant appliquer la loi. Il ne fallait que davantage de fermeté et de ton péremptoire de la part des gens au pouvoir.. »

 

Ludwig Von Mises – Action Humaine

1793 Les assignats perdent leur valeur. Les sans culottes et les enragés veulent une vraie politique de gauche présocialiste. Ils vont l’avoir.

 La convention vote la loi maximale qui fixe les salaires et le prix de certaines denrées.

« Article premier — Les objets que la Convention nationale a jugés de première nécessité, et dont elle a cru devoir fixer le maximum ou le plus haut prix, sont : le pain, la viande, le vin, les grains, farines, légumes, fruits, le beurre, le vinaigre, le cidre, l’eau-de-vie, le charbon, le suif, le bois, l’huile, la soude, le savon, le sel, les viandes et poissons secs, fumés, salés ou marinés, le miel, le sucre, le papier, le chanvre, les laines ouvrées, les cuirs, le fer et l’acier, le cuivre, les draps, la toile, et généralement toutes les étoffes, ainsi que les matières premières qui servent à leur fabrication, les soieries exceptées.

Art. 2 — Parmi les objets ci-dessus énoncés, le « maximum » du prix du bois à brûler, de première qualité ; celui du charbon de bois et du charbon de terre est le même qu’en 1790, plus le vingtième de ce prix… »

Le résultat ne se fait pas attendre. Les magasins sont vides, la crise économique décuple d’intensité, le marché noir explose.
Heureusement, Saint Just, en plus d’être un humaniste réputé est un grand économiste. Si les prix fixés ne marchent pas, c’est à cause des spéculateurs, des riches en tout genre. Les prix fixés ne sont pas appliqués avec assez de rigueur.

Et coup de chance, Saint Just connait la politique économique volontaire et rigoureuse pour réguler le marché et protéger les travailleurs des spéculateurs fous : la guillotine.

«Il n’y a point de prospérité à espérer tant que le dernier ennemi de la liberté respirera. Vous avez à punir non seulement les traitres, mais les indifférents mêmes : vous avez à punir quiconque est passif dans la République et ne fait rien pour elle…». (Saint-Just – 10 octobre 1793)

“… Qu’il soit formé à l’instant une armée révolutionnaire qui parcourt toutes les campagnes ; que chaque rayon de cette armée traîne à sa suite l’instrument fatal des vengeances du peuple, et que tous les accapareurs, les fermiers riches qui se refuseraient de nous fournir des subsistances tombent sous ses coups.” (Chaumette – 4 septembre 1793)


La Terreur peut commencer. Et la violation des prix fixés et autres luttes contre la spéculation seront l’une des principales causes de ce charmant empilement de têtes coupées.